L'hémicycle de l'Assemblée populaire de la wilaya de Tizi Ouzou a abrité dimanche et lundi derniers un colloque sur la pensée du penseur français Pierre Bourdieu et son apport à la société algérienne en général et à la société kabyle en particulier. Pour mieux cerner les travaux de cet intellectuel, les organisateurs (le laboratoire des langues et cultures étrangères de l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou et l'association Le défi) ont invité une dizaine de participants pour débattre «de l'œuvre monumentale de ce défricheur de fond qui a mis sa passion du pays au service de la production d'un savoir fécond», a souligné Belkacem Mostefaoui, de l'Ecole supérieure du journalisme d'Alger. D'autres communicants, comme le journaliste Arezki Metref, souligneront l'engagement de Bourdieu durant les années 1990 dans le Cisia (Comité de soutien aux intellectuels algériens), qui apportait son soutien aux artistes et hommes de plume, victimes alors du terrorisme islamiste. D'autres universitaires ont observé que les travaux de Bourdieu manquaient de précision, tant son regard sur la société kabyle était celui d'un externe, contrairement à Mouloud Feraoun ou Mouloud Mammeri, qui ont une meilleure connaissance des relations complexes de la Kabylie dans les années 1950/1960. Pierre Bourdieu, qui est décédé en 2002, quand bien même objet de critiques (nulle référence dans ses travaux aux lieux et périodes précis, les groupes ou les individus, objets de ses recherches), reste néanmoins le sociologue et l'anthropologue qui a fixé par l'écrit les relations entre les hommes entre eux, la domination et la description de cette région d'Algérie, qui servit de terrain d'enquête qui font de lui aujourd'hui un théoricien reconnu dans le monde. Son ouvrage, Sociologie de l'Algérie (1958), en est une référence. Les deux journées de travaux de ce colloque auront permis de revisiter l'œuvre et la pensée de ce philosophe, qui a considéré l'Algérie comme sa seconde patrie. L'organisation de cette rencontre au siège de l'APW est justifiée par deux raisons, explique Mohand Akli Rezzik, représentant du laboratoire des cultures et langues étrangères : «D'abord, l'APW a apporté son soutien matériel à la tenue de cette rencontre, en plus de cela, nous nous attelons depuis quelques années à faire rencontrer le vécu et le savant dans les lieux publics, faire sortir la cherche des bancs de l'université. Nous nous sommes engagés à renouveler cette expérience». Au dernier jour de cette rencontre, une série de recommandations a été retenue, comme la publication des actes de ce colloque, l'organisation d'une journée d'études sur Mouloud Mammeri le 25 février prochain et la demande de l'ouverture d'une chaire ou d'une filière à l'université pour les études des écrits produits par des auteurs étrangers. «Ce ne sera pas une approche orientaliste, mais on a besoin du regard de l'autre. Nos étudiants ont besoin de prendre connaissance de ce que les étrangers ont écrit sur nous», a déclaré M. Rezzik à la clôture du colloque.