Le cancer et la pénurie de médicaments nécessaires pour le traitement de cette maladie du siècle ont été au cœur des débats, lors des 5es journées nationales de pharmacie, organisées les 16 et 17 novembre au CHU Nedir Mohamed de Tizi Ouzou. «Si des dispositions ne sont pas prises par les pouvoirs publics, notre pays connaîtra une grave pénurie de médicaments pour les cancéreux qui touchera l'ensemble des hôpitaux en 2017. Nous avons tiré la sonnette d'alarme depuis 18 mois mais cela a été mal interprété par certains», a déclaré le Pr Kamel Bouzid, chef de service d'oncologie médicale du Centre Pierre et Marie Curie (CPMC) et membre du Comité national de la lutte anticancer. Dénonçant les dysfonctionnement de la politique pharmaceutique nationale, il a indiqué que certaines parties ont tenté d'imposer le biosimilaire en lieu et place du médicament princeps pour réduire la facture des importations. «Nous ne sommes pas contre l'utilisation de ce produit pour les nouveaux malades qui s'en accommodent, mais nous voulons que les cancéreux déjà traités au princeps continuent à l'être, d'autant qu'il ne gonfle pas trop la facture d'importation». Sur un autre plan, le Pr Bouzid a révélé que les laboratoires Roche, n°1 mondial dans les médicaments contre le cancer, ont appliqué durant 15 ans les prix les plus élevés au monde pour l'Algérie qui payait, sans le savoir, la différence des prix appliqués par ce même laboratoire au Maroc. «Nous voulons réduire les importations de médicaments pour cancéreux, alors qu'on ne lésine pas sur les moyens financiers pour acheter de l'étranger pour 400 millions de dollars de tabac et 7 milliards de dollars de gasoil (…) Nous devons optimiser la gestion du médicament dans les hôpitaux pour parer à toute rupture de stock. Il est anormal qu'on jette du médicament périmé dans une wilaya, alors que le même médicament est indisponible dans d'autres régions du pays». Par ailleurs, le Pr Bouzid a alerté sur les dangers de la restauration rapide (fast-food) qui constituent, selon lui, un facteur de risque pour les cancers colorectaux. «Les chawarmas, les pizzas et ketchup sont en relation directe avec le cancer colorectal qui vient en deuxième position chez les hommes après le cancer des poumons et chez les femmes après celui du sein.. Le président de la Société algérienne d'oncologie, le Pr Bouzid, insiste sur la nécessité de la prévention et du dépistage précoce des cancers, appelant la Cnas à rembourser les examens de dépistage. Intervenant sur le thème «Plan anticancer : aspects pharmacoéconomiques», le Dr Maacha (CHU de Tizi Ouzou) a souligné l'accroissement des maladies non transmissibles, diabète, HTA, cancer nécessitant, dit-il, des traitements plus coûteux et plus complexes. Mortalité proportionnelle en Algérie (pourcentage de décès totaux, tous âges confondus), maladies cardiovasculaires (28%), cancers (12%), affections respiratoires (7%), diabète (4%), autres maladies non transmissibles (12%), affections transmissibles maternelles, périnatales et nutritionnelles (29%), traumatismes (8%). Profil épidémiologique ? L'incidence moyenne est de 45 000 nouveaux cas/an. L'âge moyen au diagnostic est 45 ans. Les localisations les plus fréquentes chez l'homme sont le poumon (18%), colorectum (10%), vessie (12%), prostate (7%). Chez la femme, c'est le cancer du sein qui prédomine (25%), col utérin (10%), thyroïde (5%), alors que chez l'enfant, le système hématopoïétique et les ganglions lymphatiques sont les plus touchés. Au CHU de Tizi Ouzou, il est fait état de 1230 nouveaux cas de cancer par an, dont 30% présentant un cancer digestif, cancer du sein (25%), ORL, prostate, cerveau, urinaire (22 %). Abordant le plan anti-cancer 2015-2019, l'intervenant a rappelé l'engagement solennel au plus haut niveau de l'Etat qui fait du cancer une priorité nationale. «La décision des pouvoirs publics de mettre en place ce plan vise à rassembler et organiser, face à ce fléau qu'est le cancer, les moyens de lutte pour réduire à terme la morbidité et la mortalité de cette maladie. Une telle démarche n'a été envisageable qu'après avoir évalué précisément la qualité du niveau de réponse de notre système de santé». S'agissant du marché algérien des antinéoplasiques (médicaments destinés à bloquer la prolifération des cellules cancéreuses, NDLR), il a fait remarquer que le budget de fonctionnement a été multiplié par cinq entre 2003 et 2013. Le montant des crédits retenus au titre des exercices 2012/2013 est de 124 milliards de dinars, dont 70% pour le traitement de la maladie cancéreuse. En 2012, l'enveloppe budgétaire pour le médicament anti cancer s'élevait à 29,7 milliards de dinars, dont 22 milliards pour la thérapie ciblée qui ne concerne que 20% des cancers.