On demande aux communes de trouver des ressources, indépendamment des aides de l'Etat. Ont-elles suffisamment de marge de manœuvre ? La problématique de financement des collectivités locales se posait bien avant la contraction des recettes de l'Etat, suite à la chute drastique des prix du pétrole. Cette perte substantielle des recettes a d'ailleurs une conséquence directe sur les caisses des communes, qui ont souvent recours quasi systématiquement aux subventions de l'Etat pour le rééquilibrage de leur budget, si on sait que presque 1350 communes sur les 1541 que compte le pays affichent structurellement des budgets déficitaires. Il me semble qu'il est temps de se démarquer de la récurrente problématique des moyens de financement pour se replacer dans la nouvelle problématique du développement local qui est celle de pouvoir créer les moyens de financement et par conséquent de développement. En d'autres termes, une décentralisation progressive s'impose avec plus d'acuité aujourd'hui et ça sera peut-être le grand mérite qu'aura révélé cette nouvelle crise. On insiste beaucoup sur l'aspect de la fiscalité locale et le fait que les communes n'en tirent pas réellement profit. Qu'y a-t-il à réformer ? Lorsqu'on examine la structure des ressources financières de la commune, dominée par la fiscalité «transférée», il est difficile de dire ce que la commune fait ou «peut faire par elle-même». Le système fiscal national actuel présente une gamme d'impôts, dont le produit alimente simultanément le budget de l'Etat et celui des collectivités locales (wilayas, communes). Une partie est même versée au Fonds commun des collectivités locales (FCCL). Ce schéma de répartition consacre en lui-même la frontière des compétences fiscales entre l'Etat, qui détient seul le pouvoir de créer et de lever l'impôt, et les collectivités locales, qui perçoivent une part de ce «pouvoir» en aval par le seul fait qu'il existe des impôts dont le produit est intégralement versé aux communes, mais paradoxalement improductifs dans leur grande majorité. Cependant, l'expression «fiscalité locale» n'a pratiquement pas de sens, dans la mesure où la commune n'a aucun moyen d'agir sur les modalités d'élaboration de ces impôts. Dans ce système d'assistanat et de «transfert d'enveloppes», le pouvoir fiscal de la commune se mesure au pourcentage de répartition du produit de l'impôt entre le budget de l'Etat et celui de la commune. Cette part avoisine à peine les 20% du total des recettes fiscales ordinaires. Les réformes fiscales et financières passées et à venir offrent l'occasion d'une révision en profondeur des «finances publiques locales» via des textes doctrinaux souples, clairs loin de la lourdeur où l'Etat doit accepter de transférer aux communes certaines compétences sans remettre en cause son fonctionnement actuel. Par ailleurs, faut-il que l'Etat se réserve les impôts les plus productifs et refuse d'établir un principe de répartition des ressources plus équitables entre lui et ses démembrements institutionnels ? On parle de donner aux communes la possibilité de s'endetter auprès des banques. Cela peut-il remplacer l'Etat en matière d'investissement ? Question pertinente, mais qui a déjà fait l'objet de propositions dans les tentatives des réformes précédentes. Cependant, l'état de développement du système bancaire algérien et l'absence d'un marché financier au sens économique du terme laissent cette alternative peu réalisable sur le terrain. Par contre, ce qui serait intéressant à mon avis et particulièrement pour le budget d'équipement qui accapare le plus gros des subventions dans le cadre des PCD, c'est l'épargne communale ou encore l'autofinancement. Cette source de financement est conçue au départ comme une source principale, mais elle s'est dépréciée au fil des années suite au caractère d'assistanat ancré de plus en plus dans la gestion publique. Résultat, les responsables locaux sont dans l'indifférence quant à la recherche de nouvelles sources de financement pour avoir plus d'indépendance financière et jouir d'une autonomie au sens prôné par l'article 1 du code communal. L'autofinancement est devenu progressivement un simple appoint résiduel qui vient pallier l'insuffisance des ressources transférées par l'Etat via les subventions exceptionnelles d'équilibre ou les budgets de wilaya pour l'équipement. Il devrait constituer en principe un acte volontaire et une ressource essentielle. Il y a des communes riches et d'autres extrêmement pauvres. Le système actuel de péréquation est-il suffisant pour lever les déséquilibres ? Effectivement, il existe beaucoup de communes très pauvres et peu de communes riches si on se réfère au ratio de richesse communal comparé bien sûr à une moyenne nationale. Le fonds communal de solidarité qui se charge de verser une dotation de péréquation aux communes pauvres ne couvre en réalité qu'à peine 10% des déficits. Les causes sont à rechercher à mon sens dans l'utilisation unilatérale du code communal qui a conduit au départ à de graves déséquilibres et leurs corollaires d'inégalités de développement entre les différentes régions, ainsi qu'au sein des communes d'une même wilaya. L'absence de référence aux spécificités géographiques, économiques et techniques des communes (pendant la confection des textes doctrinaux, codes chartes, etc.) ainsi que l'octroi de subventions, dans leur majorité d'équipement et sans distinction aucune de richesse, aggrave les déséquilibres et renforce davantage les inégalités entre des communes issues pour leur quasi-majorité du découpage administratif de décembre 1984, alors qu'avant cette date, le problème ne se posait pas avec une telle acuité. Il faudrait se pencher actuellement sur le regroupement des communes en entités viables qui existe déjà dans les textes dans le chapitre relatif à l'intercommunalité par la mise en place de moyens communs pour former des entités plus au moins homogènes et limitrophes, de préférence au regard de la réalité économique actuelle. Les nouvelles circonscriptions édicteraient elles-mêmes le système fiscal en vigueur sur leur territoire. Le nouveau rôle de l'Etat serait donc d'assurer ses fonctions régaliennes de planification, d'organisation, de contrôle et surtout de régulation stratégique, entre autres, la définition de politiques économiques de «coordination». Les multiples dysfonctionnements ayant caractérisé les incohérences et l'incapacité du modèle centralisé à répondre aux exigences du développement local obligent aujourd'hui le train des réformes à s'orienter progressivement vers un modèle plus décentralisé. Il est temps de clarifier la nature des missions et des prestations à leur charge selon un degré de décentralisation permettant des prises de décisions optimales. Ce sera certainement la voie pour soutenir le développement local et améliorer le cadre de vie et les conditions sociales des citoyens.