La société publique de téléphonie mobile Mobilis a un nouveau PDG en la personne d'Ahmed Choudar, qui remplace Mohamed Habib. Ce énième changement à la tête d'une entreprise importante n'est pas sans susciter des interrogations. La société publique de téléphonie mobile Mobilis a un nouveau PDG. En effet, un communiqué du ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, dont El Watan a été destinataire d'une copie, a informé de la nomination d'Ahmed Choudar à ce poste de responsabilité en remplacement de Mohamed Habib. Il a assuré un intérim de près de 11 mois, alors que le communiqué du ministère annonçait en décembre 2015 que «le nouveau responsable qui sera désigné sera appelé à anticiper les évolutions que connaît l'industrie des télécommunications mobiles en général et y adapter dès maintenant le management de l'entreprise». Ce changement intervient dans le cadre du «parachèvement des programmes de dynamisation du secteur des TIC et de la politique du gouvernement visant l'amélioration du service public dans le domaine des télécommunications», précise la même source. Cependant, ce énième changement à la tête d'une entreprise aussi stratégique suscite de nombreuses interrogations. Pourtant, c'est Imane Houda Feraoun, la ministre du secteur, qui lui a demandé de représenter les intérêts de la maison mère et qu'il avait toute sa confiance. Pourquoi une telle décision alors que l'opérateur de téléphonie mobile a enregistré de bons résultats financiers ? Mobilis a abordé l'année 2016 avec une très forte croissance à deux chiffres de ses indicateurs économiques et financiers, selon un communiqué de presse de l'opérateur. En effet, le 1er semestre 2016 a connu une augmentation de +20% de son chiffre d'affaires par rapport au 1er semestre 2015, s'établissant à 57,2 milliards de dinars, soit 519 millions de dollars avec un nombre d'abonnés global de 16,5 millions, dépassant pour la première fois depuis sa création, en 2004, les autres opérateurs mobiles. Le résultat brut d'exploitation avant amortissements et impôts (Ebitda) a connu une croissance de +30%, s'établissant à 21,3 milliards de dinars. Pour le 2e trimestre 2016, le chiffre d'affaires de Mobilis s'est établi à 30,4 milliards de dinars, soit 275,6 millions de dollars. Ce résultat place incontestablement Mobilis à la tête des 3 opérateurs mobiles du marché avec 9% de plus que celui classé deuxième. Ces forts taux de croissance à deux chiffres sont la résultante, selon Mobilis, de plusieurs paramètres : la généralisation, dès janvier 2016, des offres 3G sur les 48 wilayas du pays, faisant en sorte que 58% des abonnés Mobilis sont désormais en 3G ; le maintien de la tarification à la seconde, contrairement aux deux autres opérateurs mobiles ; le lancement de l'offre WIN postpayée, qui a multiplié par 5 le nombre d'abonnés postpayés par rapport à 2015 ; la mise en place de la stratégie de commercialisation de terminaux «Made in Bladi» associée à des offres Mobilis en adéquation avec la politique des pouvoirs publics pour encourager la production nationale. Ses packs de téléphones de fabrication locale ont atteint des ventes de 5000 unités/jour. Avec ce nouveau partenariat, Mobilis confirme sa volonté de continuer à œuvrer pour la démocratisation de l'utilisation de l'internet mobile pour toutes les couches de la société. Le Conseil d'administration décide-t-il réellement ? Contacté, Younès Grar, observateur de l'évolution des TIC en Algérie, fait une remarque pertinente : «Pourquoi, lorsqu'on opère des changements et qu'un responsable est limogé, on ne nous dit pas pourquoi il a été mis fin à ses fonctions ? Est-ce pour mauvaise gestion ou un manque de transparence ? Et lorsqu'on nomme quelqu'un d'autre, on ne nous dit pas sur quel critère et surtout quels sont les objectifs à atteindre.» Ainsi, la valse des PDG se poursuit dans le secteur qui vit une instabilité chronique. Ahmed Choudar, ex-directeur général de Trust assurances, connaît-il suffisamment le secteur des télécoms pour pouvoir conduire Mobilis à se moderniser et l'adapter aux rythmes d'évolution dynamique dans un environnement concurrentiel ? Le communiqué de presse du MPTIC fait de lui un portrait élogieux, le qualifiant «de profil idéal après avoir occupé la fonction de directeur général adjoint au niveau d'Algérie Télécom». Aujourd'hui, la tendance mondiale est à la convergence. Le secteur de la téléphonie est en pleine ébullition, en plein changement. Avec la 3G et la 4G, la distinction entre le fixe et le mobile n'a plus lieu d'être : on va presque autant sur internet avec son mobile qu'avec son ordinateur et dans quelques années ce rapport de force se sera inversé. Younès Grar se pose une autre question : «Quel est le rôle du conseil d'administration à partir du moment où on lui dicte la conduite à tenir ? Ce sont les mêmes personnes qui ont placé Dama, Habib et qui les ont relevés de leurs fonctions sans la moindre explication. Qui doit payer les mauvais choix ?Mobilis est une entreprise publique et non familiale.» Changement ou juste des têtes qui tombent ? Cette valse de hauts responsables, qui n'est pas spécifique au secteur des TIC, donne l'impression que l'Etat ne protège pas ses entreprises et met mal à l'aise les cadres qui se retrouvent sur un siège éjectable. Quelle est réellement la marge de manœuvre des responsables nommés à la tête des entreprises ? C'est un secret de Polichinelle que de dire qu'ils n'ont pas vraiment les coudées franches. Le pouvoir les réduit plus à des rôles d'exécutants de tâche qu'à de véritables managers qui prennent des décisions dont les conséquences pèsent sur l'évolution de l'entreprise. Depuis la nomination d'Imane Houda Feraoun à la tête du ministère des PTIC, il y a eu plusieurs limogeages, même si le département de la ministre évite diplomatiquement d'employer ce terme dans les communiqués. Elle a changé de secrétaire général et de chef de cabinet au ministère, mis fin aux fonctions des PDG d'Algérie Télécom, d'ATS, de Mobilis, d'Algérie Poste et même du directeur général de l'Agence nationale de promotion et de développement des parcs technologiques (ANPT). Quête de changement réel ou exécution d'ordres venus d'en haut ? Depuis son entrée dans le gouvernement, la ministre a voulu d'emblée imprimer sa touche et imposer sa personnalité. Jeune et bardée de diplômes, elle reste à la recherche d'aptitudes en matière de politique. Habib, l'ex-PDG, lui faisait-il de l'ombre au point de le sacrifier ? Possible, notent certains observateurs, d'autant plus qu'il communique bien et que son parcours est appréciable : il a occupé plusieurs postes au sein d'entreprises nationales et internationales, comme l'opérateur américain Cisco, où il était directeur des grands comptes gouvernement et défense durant plus de 8 ans, a travaillé à EEPAD pendant trois ans et a rejoint Azouaou Mehmel, ex-PDG d'Algérie Télécom, pour l'aider dans le développement de l'entreprise. En outre et selon le site Algérie 1.com, le désormais ex-PDG de Mobilis, Mohamed Habib, «est l'objet d'une interdiction de sortie du territoire (IST), selon des sources proches de l'entreprise».