C'est la rencontre des deux rives de l'Atlantique. Le projet musical «HavanaParisDakar» réunit le compositeur, bassiste et chanteur sénégalais, Alune Wade, et le pianiste cubain, Harold Lopez Nussa. Alune Wade s'est inspiré de l'appellation du célèbre rallye automobile Paris-Alger-Dakar pour donner un titre à un album qui célèbre l'Afrique avec beaucoup de sensibilité, de finesse et de joie. Mardi soir, sur la scène de la salle Ahmed Bey de Constantine, les deux musiciens ont présenté le nouveau projet à la faveur du 14e Festival international de jazz (Dimajazz). Le public a eu la chance de découvrir un album qui fait l'actu de la scène musicale internationale. Les deux artistes se sont croisés dans un club jazz en Allemagne, se sont donné rendez-vous à Paris et ont monté ensemble le projet musical. Alune Wade a eu l'idée de partir à la Havane pour refaire vivre d'anciens tubes africains en les faisant jouer par des musiciens cubains après arrangement. Parmi les titres retenus, Ya rayah, de Dahmane El Harrachi. Ya rayah est l'une des chansons qui m'a beaucoup marqué. «Au Sénégal, j'écoutais ces chansons à la radio. J'ai grandi avec. Dans Ya rayah, il y a un côté rumba, latin. Lorsqu'on évoque la musique africaine, on oublie souvent le Maghreb, alors que cette région est une partie du continent. J'ai pris des classiques de partout sans me limiter», a expliqué Alune Wade, lors d'une rencontre avec la presse après le concert. Dans l'album, enregistré à la Havane, on retrouve également Seydou, du Malien Salif Keita, Independance cha cha, du Congolais Grand Kallé, Aye Africa, du Camerounais Manu Dibango, Aminata, du Sénégalo-Gambien Labah Sosseh, Petit pays, de la Capverdienne Cesaria Evora. Des titres produits dans les années 1960 et 1970. Sur scène, Alune Wade, qui a participé à plusieurs reprises au Dimajazz, a appelé le public «à faire la fête ensemble». Il y a dans la musique de Alune Wade et de Harold Lopez Nussa de la rumba, de la salsa, du cha cha cha et un peu de jazz. Une musique joyeuse, ensoleillée et vivante interprétée par des musiciens venus également de Madagascar, du Congo et du Brésil. Et comme le veut la tradition africaine et carabienne, la percussion est sollicitée avec force. La voix apaisée de Alune Wade a ajouté une touche colorée à une musique délicieuse qui se consomme sans aucune modération. Alune Wade, 38 ans, a accompagné de grands noms de jazz, de jazz fusion, de musique afro-cubaine, de gnawi et de funk, comme Joe Zawinul, Ismaël Lô, Aziz Sahmaoui, Oumou Sangaré et Marcus Miller (pour le dernier album Afrodeezia sorti en 2015). Pour lui, l'histoire de la musique cubaine en Afrique est ancienne. «Elle remonte au XVIIe siècle, à l'époque de l'esclavage. Dans les années 1950, la musique cubaine est venue en Afrique. Durant ces années-là, le gouvernement cubain aidait des pays africains à recouvrer leur indépendance. Au Sénégal et dans d'autres pays africains, on écoutait beaucoup la musique cubaine, comme Orquestra Argon dans les années 1970 et 1980. C'est donc la musique de nos parents», a expliqué Alune Wade. «L'Orchestra Baobab et Les Ambassadeurs jouaient la musique comme les Cubains, mais à leur manière. C'est à partir de là qu'ils ont créé la pop rumba, devenue la rumba africaine», a-t-il ajouté. Réservé sur l'idée de «la world musique», qualifiée de «fourre-tout», Alune Wade a estimé que la musique africaine est la mère de toutes les musiques. «On nous colle l'idée que les Africains ont le rythme dans le sang, les autres ont les harmonies. Non. Nous avons le kora, le gumbri, le balafon... des instruments harmoniques avec beaucoup de mélodies. On dit la même la chose de la musique de l'Amérique du Sud. Cela dit, je reste ouvert à toutes les musiques. L'important est de s'ouvrir. Je n'ai pas peur de mélanger, de prendre, par exemple, une calebasse pour accompagner une musique techno. Il faut qu'on s'adapte, mais en gardant nos racines», a-t-il affirmé. Selon lui, la musique fusion est une solution pour ne pas s'enfermer. Le nouvel album de Alune Wade, en préparation, sera entre le jazz et l'afrobeat.