Le président exécutif de Djezzy, Vincenzo Nesci, que nous avons rencontré dans les locaux de son entreprise à Alger, revient sur les principaux investissements prévus sur les prochaines années ainsi que sur les ambitions de Djezzy sur le marché algérien des télécoms. Cet opérateur, qui se développe à la fois sur l'équipement, la technologie, le digital et le numérique, s'affirme en challenger. En termes de calendrier, la société de Vincenzo Nesci prévoit l'ouverture sous peu de deux incubateurs à startups, le lancement d'un fonds d'investissement avec une importante banque de la place ainsi qu'avec plusieurs institutions financières… - Vous comptez investir un milliard de dollars dans Djezzy sur les cinq prochaines années. Peut-on savoir quels seront les métiers qui vont capter l'essentiel de cet investissement et quel serait le résultat escompté au bout de ces cinq années ? En effet, le CEO de VimpelCom, Jean-Yves Charlier, a annoncé il y a un an et demi un investissement d'un milliard de dollars, dont une partie a été déjà injecté dans le déploiement de la 4G dans 16 wilayas actuellement et 20 wilayas prévues avant la fin de l'année en cours. Un important investissement a été également réalisé pour compléter la couverture des 48 wilayas en 3G. Le 3 décembre prochain marquera la connexion à la 3G des sept dernières wilayas restantes. Nous réaliserons ainsi dans les délais prévus l'objectif de couvrir les 48 wilayas en 3G avant la fin de l'exercice en cours. Nous envisageons d'investir davantage dans notre réseau car nous pensons qu'il faut offrir un maximum de capacités à tous les citoyens algériens. Au moment de l'attribution des licences 3G, le groupe VimpelCom avait alors une attitude conservatrice sur le choix des wilayas, étant donné que les négociations avec le gouvernement pour le rachat d'une partie de Djezzy n'étaient pas bouclées. Une fois l'accord finalisé, nous sommes passés à la vitesse supérieure dans la réalisation dudit plan d'investissement. Nous avons eu le feu vert pour compléter le déploiement de la 3G quasiment en même temps que le lancement de la 4G. Aujourd'hui, nous comptons renforcer davantage cette couverture du réseau pour atteindre toutes les communes avec un même niveau et qualité de service. L'accès à l'information, à la culture, à la formation doit être garanti à tous les niveaux. Et c'est pour cela que nous avons participé avec beaucoup de conviction à l'appel d'offres pour le service universel. Vous devez le savoir, il y a un fonds dédié au service universel, géré par le ministère de tutelle et le régulateur (ARPT), qui permet la couverture des zones blanches qui sont les endroits les plus éloignés où l'investissement n'aurait pas de sens économique, mais un sens plutôt politique. - Au lancement de la 3G et de la 4G ensuite, vous avez affiché une nette volonté d'investir dans le digital et l'industrie numérique et du contenu pour être, au bout du compte, un référent en la matière. Comment comptez-vous développer ce projet ? Allez-vous racheter des startups ou comptez-vous les développer en interne ? Nous pensons que nous avons au niveau du groupe VimpelCom une expérience unique dans le numérique et le digital. La plateforme que nous sommes en train de lancer sur nos trois premiers réseaux en est l'exemple. Nous voulons transposer cette expérience ici en Algérie. Nous voulons développer une collaboration avec des startups ici en Algérie et les aider à se développer. Le retour sur investissement escompté consiste à nous aider à remplir nos tuyaux et nos autoroutes. Dans une dizaine de jours, nous allons inaugurer l'incubateur de l'Ecole nationale polytechnique. C'est un premier pas important, en attendant d'inaugurer l'incubateur Djezzy. Ce sont des actions dans lesquelles nous comptons nous impliquer et nous investir en mettant nos managers à la disposition des développeurs. Nous avons également négocié avec une importante banque algérienne et des institutions financières pour la création d'un fonds d'investissement dédié au développement des startups. L'idée est que chacun des partenaires mette un ticket d'entrée pour la mise en place de ce fonds qui pourra être utilisé par des startups en vue de leur développement. Djezzy entend mettre au départ un minimum de 100 millions de dinars, signe de son engagement pour l'essor d'une économie numérique en Algérie. - Quelle sera la contribution de la maison mère, le groupe VimpelCom, dans la réalisation des deux projets cités ; l'investissement dans l'équipement et la technologie ainsi que l'industrie du numérique ? VimpelCom a aujourd'hui un leadership digital reconnu. Nous avons ici accès à toute cette expérience et ces plateformes du groupe qui fait dépêcher en Algérie des collègues de grande valeur pour nous accompagner dans ce développement. Au-delà donc de la contribution financière de VimpelCom, le groupe nous accompagne par la compétence humaine et par le savoir-faire et la technologie qui lui sont reconnus. D'ailleurs, des collègues du bureau de Londres de VimpelCom sont ici, dans nos locaux, pour discuter avec nous sur ce que nous allons réaliser sur les prochains 18 mois. Ceci dit, nous avons à notre niveau des compétences algériennes de tous genres, spécialisées dans le déploiement, dans le traitement des datas et leur utilisation… Une chose est sûre, nous mettons tous les moyens pour satisfaire tous les besoins des clients et être au final le référent du marché en matière du digital. - Quelle sera la contribution de Djezzy sur le marché des télécoms, de l'emploi, de la numérisation de l'économie, de la création de valeur ajoutée et de richesse ? Avez-vous des indicateurs macroéconomiques chiffrés en la matière ? Nous avons l'ambition d'ouvrir entre 300 et 500 boutiques sur le territoire national. Nous l'avons toujours dit, car nous pensons qu'il est extrêmement important pour Djezzy d'être un opérateur de proximité. Au lancement de la 4G à Alger, depuis notre boutique de Bab El Oued, il y avait un flux ininterrompu de clients. Nous disposons aujourd'hui de 95 boutiques, mais si nous réussissons à en voir 500, cela voudra dire que nous mettons en place le dispositif qui permettra de mieux couvrir le territoire national et de répondre aux besoins des consommateurs. Il y a donc cette proximité avec le client qui nous manque aujourd'hui. Ce à quoi nous aspirons mais avec une nouvelle formule ; ça devra être une boutique où il y a des personnes qui sont capables d'identifier le besoin du client et de lui offrir la solution idéale. Cela veut dire que nous misons sur des personnes aux profils très différents de ce dont nous disposons actuellement. Nous allons repenser complètement les profils d'embauche et les formations à dispenser à nos futurs collègues. - Quelle est, selon vous, la marge de croissance dont dispose encore le marché des télécoms algérien ? Pensez-vous que le haut débit allait se substituer au segment «voix» qui réalisait l'essentiel de la croissance jusqu'ici ? Le marché dispose encore d'une excellente marge de croissance. Si nous n'avions pas cette conviction, nous ne serions pas ici pour investir un milliard de dollars. Le potentiel est là et le pays est en train de vivre un moment très intéressant dans sa quête de diversification de son économie. La tâche d'un opérateur comme Djezzy est d'accompagner cette transformation du pays. Pour cela, nous devons réussir cette volonté de nous transformer, car les cinq ans de difficultés et de négociations ont fait de Djezzy une société un peu sclérosée. Nous nous sommes bien réveillés et nous sommes en train de faire de cette société un opérateur beaucoup plus agile et combatif. Nous voulons être à nouveau battants et gagnants. Nous avons déjà commencé à retravailler les niveaux managériaux ; nous sommes passés de neuf niveaux de management à cinq niveaux aujourd'hui. Cela signifie que le processus de décision sera beaucoup plus rapide, mais il faut que les managers prennent aussi confiance en eux-mêmes et apprennent à décider et à être responsables. Il est extrêmement important dans notre économie d'aujourd'hui que les managers disposent d'une marge de décision et se sentent responsables. Il faut que chacun soit entrepreneur dans son domaine. - Sur le front de la téléphonie cellulaire de quatrième génération, quelles sont les différences entre l'approche et l'offre de Djezzy et celles des autres opérateurs ? Nous croyons qu'avec la refonte et la simplification de nos offres que nous avons annoncées il y a un mois, nous avons fait un pas important en direction des clients. Ces derniers ne vont plus se perdre dans cette panoplie d'offres qui sont désormais simplifiées, claires et accessibles à toutes les bourses. Par-dessus tout, nous voulons offrir les meilleures couverture, capacité et qualité du réseau, un des atouts sur lesquels nous comptons faire la différence. - Dans cette nouvelle bataille sur le terrain de la 4G, y a-t-il des points sur lesquels vous serez particulièrement vigilants ? Nous sommes vigilants à tous les niveaux. Nous respectons la concurrence, mais nous pensons que nous avons dans nos gènes l'esprit de victoire et nous avons surtout une force de frappe unique ; nous avons l'expérience d'un groupe international comme VimpelCom, les racines et le savoir-faire algérien du Fonds national d'investissement (FNI). Deux atouts qui nous permettent d'aller de l'avant pour faire de Djezzy une société gagnante. - Est-ce que Djezzy compte investir au-delà des frontières, dans le rachat de licences en Afrique à titre d'exemple, puisque les maîtres-mots de la nouvelle stratégie de l'Exécutif plaident pour la conquête de marchés extérieurs ? Prendre des participations ailleurs, sur d'autres marchés africains, n'est pas encore une option dans notre stratégie. Mais la situation des marchés peut évoluer, nos options aussi.