La discorde gagne le mariage de raison contracté entre Sonatrach et Air Algérie. Depuis quelques jours, le courant ne passe plus entre la direction de Tassili Airlines, la compagnie aérienne née de leur union, et l'encadrement, détaché en 2001 par Air Algérie, chargé d'aider la nouvelle née de l'aviation civile algérienne à prendre son envol. Ce détachement opéré sur la base d'un protocole d'accord, signé par les deux compagnies durant la même année, prévoyait la réintégration, au bout de deux années, dans leurs postes d'origine des 160 détachés d'Air Algérie. Le contrat incluait aussi la mise à la disposition de la nouvelle compagnie des moyens d'Air Algérie. La compagnie Tassili Airlines a été créée, rappelle-t-on, pour desservir les bases des pétroliers implantées dans le sud du pays. Pour enthousiasmer les travailleurs à relever le défi de Tassili Airlines, filiale de Sonatrach à hauteur de 51% (les 49% restants appartenant à Air Algérie), la nouvelle compagnie a proposé des salaires supérieurs à ceux pratiqués par Air Algérie. Les responsables de Tassili Airlines ont vu juste puisque cette mesure a fini par convaincre les travailleurs de tenter une nouvelle expérience. Certains des cadres détachés ont même nourri l'espoir, en intégrant Tassili Airlines, de gravir des échelons et de relancer leur carrière. Et même si le protocole d'accord n'en parlait pas, ils tablaient beaucoup sur leur maintien dans la mesure où la nouvelle compagnie était demandeuse de cadres et d'une main d'œuvre qualifiée. Au même titre que Tassili Airlines, la compagnie Air Algérie a aussi gagné dans la « transaction ». En trouvant des débouchés à ses cadres, elle a ainsi évité de recourir à un « dégraissage forcé » de ses effectifs que les observateurs considèrent inévitable pour son équilibre. Sur le papier, tout présageait un mariage réussi entre la compagnie pétrolière Sonatrach et Air Algérie. Dans la réalité, il en fut autrement puisque leur union a tourné au cauchemar. Une partie des détachés ont émis le souhait de quitter leur compagnie d'adoption au terme de leur première année d'exercice. La raison était liée au fait que Tassili Airlines « n'offrait pas suffisamment de garanties sociales d'autant qu'un certain nombre de travailleurs étaient proches de la retraite ». Les concernés indiquent, à ce propos, qu'« une convention collective faisait défaut à l'époque à la compagnie ». La direction de Tassili Airlines ne partage pas ce point de vue et explique la volonté de ces travailleurs de réintégrer Air Algérie par d'autres motifs. Les candidats, au départ, explique-t-on, auraient décidé de changer d'air « pour protester contre le fait de ne pas avoir été nommés à des postes de commandement ». Quoi qu'il en soit, les choses finiront par se tasser jusqu'au jour où la direction de Tassili Airlines a commencé à recruter le personnel de la compagnie Khalifa Airways. Les travailleurs d'Air Algérie ont vu dans ces recrutements une volonté de leur employeur de les pousser vers la porte de sortie. Cela surtout que le bruit a couru sur l'intention de la direction de Tassili Airlines de racheter les parts d'Air Algérie. L'argument est une fois de plus jugé « irrecevable » par Tassili Airlines. Celle-ci précise que « les travailleurs d'Air Algérie n'ont à aucun moment manifesté le souhait de faire partie définitivement de ses effectifs et que tous (à l'exception d'un seul d'entre eux) ont demandé par écrit le respect scrupuleux du protocole d'accord ». Les responsables de la compagnie aérienne de Sonatrach ajoutent qu'elle n'aurait trouvé aucun inconvénient à les garder. La direction de Tassili Airlines explique, néanmoins, que « leur maintien n'est plus possible après le mal fait par ces travailleurs à la compagnie ». La raison ? Elle leur reproche « d'avoir délibérément levé le pied et user du chantage pour prouver qu'ils étaient indispensables ». « Que tout le monde comprenne que personne n'est indispensable ! Inutile de vous dire leur étonnement après que la direction ait donné une suite favorable à leurs demandes de réintégration. Ils pensaient sans doute que la compagnie allait mettre la clé sous le paillasson », a déclaré hier le responsable des relations de travail de Tassili Airlines. Pour prouver « les largesses » manifestées par Tassili Airlines à l'égard des détachés d'Air Algérie, il signalera que « la compagnie a prolongé sans bases légales leur contrat d'une année et qu'elle continue à ce jour à verser leurs salaires ». Par ailleurs, le même responsable accuse nommément Air Algérie d'avoir « fomenté cette affaire pour briser une compagnie qui risque, à l'avenir, de lui faire de l'ombre, surtout qu'elle compte effectivement élargir ses activités ». Pour preuve, il a révélé que les travailleurs ont posé comme condition à leur départ « le reversement du matériel mis par Air Algérie à la disposition de Tassili Airlines ». Pour le moment, aucune réaction officielle n'a émané d'Air Algérie. Des échos en provenance de cette compagnie signalent néanmoins que celle-ci vient de « solliciter l'arbitrage des pouvoirs publics pour tirer au clair les raisons exactes de ce conflit et en connaître les enjeux ». L'on annonce que la direction d'Air Algérie aurait pris la résolution de se pencher sur le cas de ses travailleurs qu'une fois le verdict de cette commission rendu. Dans l'entourage de la compagnie l'on ne se gêne toutefois pas pour qualifier Tassili Airlines d'« ingrate » et d'« irresponsable ». Selon les mêmes échos, l'on est aussi persuadé à Air Algérie que « les 160 travailleurs ont décidé de jeter l'éponge pour la simple raison qu'ils y ont été poussés et que l'affaire a été provoquée dans le but manifeste d'accélérer la procédure de divorce entre les deux compagnies ». Mais, dit-on, « les choses ne se passeront pas comme ça ! ». Le bras de fer est donc officiellement engagé entre Tassili Airlines et Air Algérie.