Les déchets organiques représentent plus de 50% des déchets ménagers et assimilés (entreprises, collectivités, écoles, hôpitaux…) et leur valorisation peut servir au compostage, mais surtout à la génération de l'énergie. Le professeur Noureddine Yassaa, directeur du Centre de développement des énergies renouvelables (CDER), évoque la possibilité de produire l'équivalent de la consommation moyenne d'électricité de 1,8 million d'Algériens grâce au biogaz. Une étude du CDER a en effet montré que le volume du biogaz, obtenu après la décomposition anaérobique (sans oxygène) des matières organiques contenues dans les DMA, les déchets agricoles et d'élevage, les biodéchets issus des industries agroalimentaires et des stations d'épuration des eaux usées (STEP), est estimé à 1009.76 millions de m3/an. La conversion de cette quantité du biogaz en électricité permettrait de produire plus de 2032,6 GWh, précise notre interlocuteur. Le gisement est donc «considérable», surtout quand on prend en compte l'évolution de la quantité de DMA qui pourrait atteindre 17 millions de tonnes en 2030, soit une quantité moyenne générée par habitant de 1,25 kg/j, dit-il. Actuellement, un projet de méthanisation est en voie de finalisation au niveau de l'ex-décharge publique de Oued Smar pour l'exploitation de biogaz produit suite à la fermentation des déchets organiques. Mais, globalement, la filière reste faible. Car, en dépit du potentiel existant et prometteur, la bioénergie n'occupe pas une place de choix dans le programme national des énergies renouvelables visant à produire 22 000 MW à l'horizon 2030 puisqu'elle en représente moins de 5%, alors que le solaire photovoltaïque et l'éolien se taillent la part du lion. Pour inverser la tendance, «il suffit de mettre en place des stratégies permettant sa valorisation dans tous les secteurs générateurs des matières fermentescibles. Des solutions d'exploitation de biométhane in situ, c'est-à-dire au niveau de l'usine, de Stations d'épuration des eaux usées (STEP) ou des fermes agricoles, existent et permettant l'autoconsommation en électricité et/en chaleur», explique Noreddine Yassaa. Il cite en exemple la STEP d'El Kerma qui produisait une quantité moyenne de 650 tonnes de matière sèche/mois et 216 000 m3 de biogaz par mois en 2013. Mais pas seulement. «Les boues peuvent être utilisées comme combustibles solides dans plusieurs industries énergétivores comme les cimenteries, les briqueteries...». La valorisation énergétique des déchets peut générer «des recettes appréciables pour les collectivités locales qui peuvent convertir le biogaz en électricité et l'injecter au réseau, en chaleur pour le chauffage (piscines par exemple) ou l'utiliser dans le transport collectif.» Rentabilité Outre l'impact sur l'environnement, la valorisation des déchets pour la production de l'énergie constitue aussi à plusieurs niveaux «une alternative rentable par rapport à l'incinération ou l'enfouissement des déchets». Pour une unité de méthanisation, l'amortissement de l'investissement réalisé (équipements et fonctionnement du personnel) peut être obtenu, selon M. Yassaa, par la vente à des tarifs soutenus d'électricité, de chaleur ou de carburant, par la vente de biofertilisants (engrais biologiques) et même par les économies de combustible à travers l'autoconsommation du biogaz. Par ailleurs, la production d'énergie à partir de biogaz est stockable et peut être aussi combinée à des sources d'énergies renouvelables pour pallier les problèmes d'intermittence. D'après l'expert, des expériences dans les pays développés ont montré la possibilité d'un retour sur investissement au bout de 5 ans par rapport à d'autres filières comme le solaire et l'éolien. En Algérie, outre les aspects de la formation et de la recherche, le développement de la filière a surtout besoin de «mécanismes de soutien par les pouvoirs publics», nous dit le spécialiste des énergies renouvelables. Pour ce faire, un gros effort doit être fait sur le plan réglementaire. Le directeur du CDER cite des mesures incitatives telles que des garanties d'investissement à long terme (sur 20 ans) à travers la mise en place d'un système des tarifs d'achat garantis pour l'électricité produite à partir du biogaz. De tels procédés ont montré leur succès dans certains pays européens. Il y a donc nécessité de mettre en place «un cadre réglementaire pour la garantie d'origine de l'électricité produite à partir de biogaz, son injection dans le réseau électrique et la grille des tarifs d'achat garantis selon la taille de l'installation». Ce cadre doit également pouvoir contraindre les producteurs de déchets organiques à les valoriser afin d'assurer «un approvisionnement continu des stations de méthanisation». Enfin, l'autre mode de financement consiste en l'ouverture d'appels d'offres pour des projets de grande taille, à l'image de ce qui se fait pour le solaire et l'éolien. En gros, les solutions existent et en cette période de crise et d'incertitude quant aux prix du pétrole, il n'a jamais été aussi opportun de les explorer.