Les hasards du calendrier international font que les regards se tournent aujourd'hui vers deux pays pas aussi éloignés qu'on le penserait de prime abord. Ce sont les Etats-Unis et le Nicaragua, où se tiennent, presque en même temps, des élections susceptibles d'y reconfigurer la carte politique. Aux USA, le président George W. Bush est sous la menace de ses rivaux démocrates qui vont peut-être le mettre en minorité pour la durée de mandat qui lui reste à faire. Les analystes sont unanimes pour estimer que le chef de la Maison-Blanche a retourné contre lui ses propres concitoyens. Pas moins de 64% des Américains sont désormais opposés à la poursuite de l'aventure irakienne. Au même moment, au Nicaragua, Daniel Ortega est en passe de remporter l'élection présidentielle. Daniel Ortega est loin d'être un inconnu, surtout pour les Américains. Il avait été l'un des artisans, en 1979, du renversement d'Anastasio Somoza, sanguinaire dictateur qui avait instauré, à la suite de son père, un régime de terreur absolue au Nicaragua, avec l'appui des milieux d'affaires et des services secrets américains. Daniel Ortega était devenu l'ennemi juré de Washington, qui suscita contre lui une contre-révolution, celle des Contras. Elu en 1984, battu en 1990, Daniel Ortega revient dans un pays qui est passé de Charybde en Scylla, de la corruption érigée en système des Somoza au néo-libéralisme infligé au pays sous les auspices du FMI et de la Banque mondiale. Comme le retour triomphal des démocrates aux USA, la victoire de Daniel Ortega serait le fruit d'un vote sanction. Sans aller jusqu'à parler de lame de fond, l'élection présidentielle au Nicaragua est une confirmation de la tendance qui se dessine au Venezuela, en Bolivie, au Chili et dans une large mesure aussi au Brésil. Il est significatif que les réformes sociales initiées sous la présidence de Daniel Ortega ont été invalidées par ses successeurs. Cet ensemble de raisons qu'il faudra s'attendre à une interaction entre ce qui se passe aux Etats-Unis et au Nicaragua. Ce pays, qui avait manqué d'être rayé de la carte par un terrible tremblement de terre, il y a quelques années, devra faire face à un séisme d'une autre nature. Autrement dit, la réplique de George W. Bush face à un tel retour aux responsabilités, s'il venait à se produire, tant il est patent que Daniel Ortega n'est pas en odeur de sainteté auprès de la Maison-Blanche. Sa seule consolation serait de savoir qu'il n'est pas seul dans ce cas de figure.