Les obligations sociales du gouvernement tunisien ont pesé lourd sur ses choix pour le budget 2017. Youssef Chahed et son équipe n'ont pas pu prendre des mesures courageuses pour maîtriser les dépenses publiques, notamment la masse salariale. Politiques et observateurs s'interrogent en ce moment en Tunisie sur les obligations gouvernementales à l'égard du Fonds monétaire international (FMI) en rapport avec le dernier prêt de 2,7 milliards de dollars accordé à l'Etat tunisien pour soutenir la relance économique. Les soucis des experts ont redoublé d'intensité après l'accord du gouvernement de Youssef Chahed de maintenir les augmentations salariales accordées aux fonctionnaires par le gouvernement de Habib Essid. Le projet initial du budget 2017 a prévu de renvoyer ces augmentations pour deux ans afin de maîtriser le déficit budgétaire, de plus en plus alarmant, avoisinant les 6% qui est essentiellement dû à une masse salariale ayant doublé durant les cinq dernières années. Une telle décision «politique» pourrait, selon l'ex-ministre des Finances Hassine Dimassi, provoquer des réticences du FMI à poursuivre son soutien à la Tunisie. «Le FMI pourrait ne pas accorder la tranche du prêt prévue fin 2016, parce que la Tunisie s'est engagée sur un programme visant la maîtrise du déficit budgétaire et la compression des charges salariales», a dit M. Dimassi, qui a démissionné en juin 2012 du gouvernement de Hamadi Jebali parce qu'il refusait cette politique de «prêts pour payer les fonctionnaires de l'Etat». Contraintes et choix Le gouvernement de Youssef Chahed s'est donc retrouvé face à trois contraintes majeures : le remboursement de la dette extérieure, les charges salariales et l'impératif d'investissements dans les régions. Les deux premières étant indétrônables, c'est l'investissement qui a été victime du bras de fer entre le gouvernement et l'UGTT. De toutes les façons, avec moins de 6 milliards de dinars, l'investissement ne constitue même pas 40% de la masse salariale (14,5 milliards de dinars tunisiens = 6 milliards d'euros). Par ailleurs, il est utile de rappeler que la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, n'a cessé d'attirer l'attention du gouvernement tunisien sur la nécessité d'adopter des politiques visant à «modérer» les salaires et à agir sur les recrutements au sein de la Fonction publique qui enregistre, selon elle, un surplus d'effectif. Elle a fait savoir que la masse salariale en Tunisie représente 14% du PIB, «un taux très élevé». Au niveau du budget, Mme Lagarde a pointé du doigt la faiblesse des dépenses d'investissement par rapport aux dépenses de fonctionnement, notamment la masse salariale dont le rapport sur le budget est «l'un des plus élevés au monde». Elle a également insisté sur un budget orienté vers la croissance, un système financier robuste et efficace et une amélioration du climat des affaires. C'est donc au niveau de la faiblesse de l'investissement productif que la situation coince en Tunisie. Orientations globales Le projet du budget 2017 a été établi en Tunisie sur la base d'un baril de pétrole à 50 dollars, un taux de change du dollar à 2,250 dinars et l'institution d'une contribution exceptionnelle pour l'année 2017, qui rapporterait 900 millions de dinars. Une enveloppe de 2750 millions de dinars est consacrée aux subventions, dont 1600 millions pour les produits de base, 650 millions pour les hydrocarbures et 500 millions pour la CNSS afin de lui permettre de faire face à ses difficultés financières. En ce qui concerne la masse salariale des fonctionnaires de l'Etat et suite à l'accord passé entre le gouvernement et l'UGTT concernant le maintien des augmentations de salaires en 2017, elle sera d'environ 14,5 milliards de dinars, soit 75% du budget général de gestion estimé à 18,5 milliards de dinars. Ce scénario fait que la masse salariale reste au niveau de 14,2% du PIB, alors que le scénario prévu par le projet initial du budget 2017, visait à la rabaisser à 13,9% du PIB, à condition, bien sûr, que ce dernier croisse de 2,3% comme prévu. Côté ressources, le budget 2017 prévoit 74% de ressources propres (23,895 milliards de dinars, dont 21,700 milliards de ressources fiscales) et 26% de ressources d'emprunts dont 8,5 milliards de dinars d'emprunts extérieurs. La Tunisie rencontre encore des difficultés pour réussir sa transition économique, en attendant la réalisation des promesses du Forum Tunisia 2020.