La semaine dernière, le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, a dénoncé, sur un ton peu diplomatique, les «guerres par procuration» menées, selon lui, par Riyad. Les Etats-Unis ne veulent visiblement plus cautionner les dérives de la coalition militaire arabe dirigée par l'Arabie Saoudite au Yémen. Pour éviter de devoir en porter le chapeau un jour, le Pentagone a tout bonnement décidé d'annuler une livraison d'armes à Riyad, son traditionnel allié. Un responsable américain ayant souhaité rester anonyme a affirmé à la presse, mardi soir, que «les Etats-Unis ont clairement indiqué que la coopération militaire américaine n'est pas un chèque en blanc et que, par conséquent, ils ont décidé de ne pas procéder à certaines ventes de munition» à l'Arabie Saoudite. «C'est le signe de notre inquiétude profonde et continue face aux failles dans les pratiques de ciblage de la coalition et de la manière générale dont est menée la campagne aérienne au Yémen», a-t-il poursuivi. D'autres sources américaines ont précisé que la vente visée concernait des munitions à guidage de précision fabriquées par le groupe américain Raytheon. Afin sans doute de décliner toute responsabilité dans les massacres de civils, Washington a pris le soin, par ailleurs, de souligner que son implication reste limitée dans le conflit yéménite. Un haut responsable de l'Administration américaine a précisé que l'aide de son pays pourrait désormais se concentrer sur «l'entraînement des forces aériennes saoudiennes», plus précisément sur les questions de ciblage. En clair, cela veut dire que les Américains lâchent les Saoudiens au Yémen. La décision de Washington peut s'expliquer aussi par le fait que le chef du gouvernement rebelle yéménite, Abdel Aziz Ben Habtour, vient d'accuser le Royaume-Uni d'être coupable de «crimes de guerre» au Yémen, affirmant que des bombes britanniques avaient été «larguées» sur le pays. Les Britanniques «ont vendu des bombes à sous-munitions à l'Arabie Saoudite», des armes interdites par les conventions internationales, a affirmé Abdel Aziz Ben Habtour sur la chaîne Sky News, mardi soir. «Ce n'est pas que je pense qu'ils sont coupables de crimes de guerre, c'est que j'en suis convaincu. Ils participent au bombardement du peuple yéménite (...). Ils savent que les Saoudiens vont larguer (leurs bombes) sur le Yémen», a ajouté celui qui dirige le gouvernement des rebelles chiites houthis, qui contrôlent une partie du pays, dont la capitale Sanaa. La semaine dernière, le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, a dénoncé en personne les «guerres par procuration» menées par Riyad. Mais il s'est fait aussitôt recadrer par la Première ministre, Theresa May. Selon l'ONU, la guerre au Yémen a fait plus de 7000 morts et près de 37 000 blessés depuis l'intervention de la coalition arabe sous commandement saoudien en mars 2015. Une vraie boucherie.