Des dizaines de milliers de personnes ont afflué, jeudi, de toutes les régions de la bande de Ghaza pour participer à l'inhumation des 18 victimes du bombardement israélien de la veille à Beït Hanoun. Neuf enfants, 5 femmes et 2 hommes appartiennent à la famille Al Aâthamna, presque totalement décimée dans ce massacre. Que vous soyez médecin, journaliste ou soldat, habitué à voir des corps sans vie, avoir des nerfs d'acier est une qualité que toute personne venue assister aux obsèques doit posséder, sinon, c'est le risque de l'effondrement qui vous guette à tout moment. La vue des corps frêles des enfants et des mamans portés sur des civières, dans les rues et les ruelles sinueuses de Beït Hanoun, en route vers leur dernière demeure dans un nouveau cimetière, car il ne restait plus de place dans l'ancien, était difficile à supporter. Un grand nombre de ceux qui ont participé aux obsèques sanglotaient comme des enfants. D'autres par contre appelaient à la vengeance, alors que des éléments armés n'arrêtaient pas de tirer des coups de feu en l'air. « Il n'y aura pas de sécurité à El Majdal, pas de sécurité à Tel Aviv ou à Haïfa tant que notre peuple ne sera pas en sécurité à Beït Hanoun ! », criait, entre autres, la foule. Tout cela sous l'objectif des caméras des drones israéliens (avions-espions sans pilote) qui sillonnaient le ciel de cette localité située à quelques centaines de mètres de la frontière de l'Etat hébreu. A cette occasion, les bannières des différents mouvements palestiniens, même de ceux qui s'entre tuaient (Hamas et Fatah) quelques jours seulement avant cette boucherie, flottaient côte à côte, la douleur ayant réussi à les unir. Rafik Abou Odeh, la trentaine dont un cousin figure parmi les morts, nous a déclaré : « Nous ne laisserons jamais notre terre. Ils peuvent tuer comme ils veulent, démolir nos maisons, dévaster nos terres, mais ils ne nous pousseront pas à l'exode comme en 1948. On surmontera nos douleurs, on l'a toujours fait et la vie reprendra. » Hanane Zaânine une mère de famille de 40 ans voisine des victimes, dont les larmes ne cessaient de couler sur le visage, nous a dit : « Je suis affligée. Je n'arrive pas à croire ce qui s'est passé. On s'apprêtait à reprendre notre vie après l'annonce, le même soir, du retrait des soldats israéliens de la ville, mais Dieu a décidé autrement. Je suis triste car je ne reverrai plus mes voisines, mais je suis heureuse de savoir qu'elles sont au paradis. Mourir chahid est le souhait de tous. » Des Palestiniens de Beït Hanoun et d'ailleurs ont organisé la prière du vendredi près des décombres de la mosquée de la ville, vieille de plus de 8 siècles, démolie par l'armée israélienne lors de son occupation durant une semaine de cette localité, déclarée sinistrée par le président Mahmoud Abbas. Personne, dans les territoires palestiniens, ne croit à l'histoire de bavure annoncée jeudi par des responsables israéliens, dont le Premier ministre Ehoud Olmert. « Il s'est agi d'une erreur technique de notre artillerie. Je l'ai vérifié et revérifié », a dit le Premier ministre israélien Ehoud Olmert a la télévision. « Ce n'est pas notre politique » de faire des choses pareilles, a-t-il souligné. Une porte-parole de l'armée israélienne a indiqué jeudi soir que l'erreur était due à une défaillance d'un système de visée et que les tirs d'artillerie sur la bande de Ghaza, suspendus après le drame, ne seraient pas autorisés tant que les vérifications nécessaires n'auraient pas été faites. Elle n'a pas dit combien de temps prendraient ces vérifications. La boucherie de Beït Hanoun a été vivement condamnée dans tout le monde, sauf aux Etats-Unis l'allié de l'Etat hébreu. Comme dans le cas de la bavure de l'été passé lorsque la famille Ghalia, sortie passer une journée calme sur une plage du nord de la bande de Ghaza, fut décimée par un obus israélien, peu après les tirs de mercredi, qui ont notamment tué des femmes, des enfants, ainsi que des pères de famille sans défense, le chef du gouvernement israélien avait présenté ses « excuses ». Ces déclarations ont été ressenties par les Palestiniens telle une blague de mauvais goût ayant l'effet d'un catalyseur dans l'accroissement de leur douleur et aussi de leur colère. Les pays arabes, incapables d'entreprendre de réelles initiatives capables de châtier Israël et tous ceux qui le supportent, se sont de nouveau, pour la énième fois, tourné vers le conseil de sécurité avec l'espoir de voir une condamnation de la communauté internationale à l'encontre de l'agresseur. « C'est du terrorisme d'Etat. Il s'agit de crimes de guerre, dont les auteurs doivent être tenus responsables selon le droit international », a déclaré l'observateur permanent de la Palestine à l'ONU, Ryad Mansour, lors d'un débat public au Conseil de sécurité. « Il doit être mis fin au comportement illégal et à l'impunité d'Israël et le peuple palestinien doit se voir accorder ses droits, y compris son droit à la protection en tant que population civile sous occupation », a-t-il ajouté. Mansour a demandé « une enquête sur le massacre » de Beït Hanoun, et le déploiement « d'une force d'observation de l'ONU pour surveiller un cessez-le-feu » devant être conclu entre Israéliens et Palestiniens. Quarante-cinq orateurs ont pris la parole durant ce débat, lors duquel le conseil ne s'est pas prononcé sur un projet de résolution déposé par le Qatar, au nom du groupe arabe et contenant tous les éléments réclamés par le représentant palestinien. « J'appelle les membres du conseil à adopter cette résolution dès que possible. J'espère que, cette fois, le Conseil ne va pas laisser tomber notre peuple », a plaidé Ryad Mansour. John Bolton, le représentant des Etats-Unis, a déclaré que Washington regrettait vivement les pertes en vies humaines, mais estimait qu'Israël avait le droit « de se défendre et de protéger la vie de ses citoyens ». Cela suffit pour savoir que le veto américain est là.