Depuis le coup d'Etat manqué, plus de 41 000 personnes ont été arrêtées en Turquie et plus de 100 000 limogées ou suspendues, notamment des professeurs, policiers et magistrats. Ces arrestations interviennent au moment où le projet de révision constitutionnelle qui vise à renforcer les prérogatives du président turc, Recep Tayyip Erdogan, adopté en commission, doit être soumis au Parlement à partir de demain. Pour sauver son pouvoir, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, n'a pas fait dans la demi-mesure. Trois décrets-lois parus, hier, au Journal officiel, montrent que les autorités turques ont limogé plus de 8000 personnes et fermé des dizaines d'associations supplémentaires rien que dans le cadre des enquêtes ouvertes après le putsch manqué en juillet dernier. Parmi les 8390 personnes limogées, figurent 2687 policiers, 1699 fonctionnaires du ministère de la Justice, 838 de celui de la Santé et des centaines d'employés d'autres ministères, ainsi que 631 universitaires et 8 membres du Conseil d'Etat. Les décrets précisent que les ressortissants turcs se trouvant à l'étranger pourront être déchus de leur nationalité s'ils ne rentrent pas dans les trois mois suivant leur convocation par les autorités. Ils ajoutent que la police pourra désormais accéder aux informations personnelles des internautes, dans le cadre d'enquêtes concernant la cybercriminalité. Plus de 80 associations accusées d'«activités portant atteinte à la sûreté de l'Etat» ont par ailleurs été fermées. Parmi elles, huit clubs de sport sont concernés, principalement situés dans le sud-est à majorité kurde du pays. En revanche, 11 journaux précédemment fermés ont été autorisés à rouvrir. Par ailleurs, 276 personnes ont été réintégrées dans leur poste par ces décrets. Ces mesures sont prises dans le cadre de l'état d'urgence instauré après la tentative de putsch du 15 juillet. Les autorités turques accusent Fethullah Gülen, un prédicateur exilé aux Etats-Unis, et sa confrérie d'avoir ourdi le coup de force, ce que l'intéressé dément. Les autorités ont interpellé 1682 personnes pour leurs liens présumés avec des organisations dans leur collimateur, a déclaré lundi 26 décembre le ministère de l'Intérieur. Près de 1100 d'entre elles ont été placées en détention provisoire pour leurs liens avec l'organisation du prédicateur en exil Fethullah Gülen. Parmi elles, 426 ont été formellement placées en état d'arrestation. Cinq cents autres ont été interpellées pour leurs liens avec les séparatistes kurdes. En outre, les autorités ont placé en détention 78 activistes liés au groupe Etat islamique. Gülen, Daech et les kurdes Depuis le coup d'Etat manqué, plus de 41 000 personnes ont été arrêtées en Turquie et plus de 100 000 limogées ou suspendues, notamment des professeurs, policiers et magistrats. D'une ampleur inédite en Turquie, ces purges suscitent l'inquiétude d'organisations de défense des droits de l'homme qui redoutent que l'état d'urgence, prolongé cette semaine de trois mois supplémentaires, ne serve de prétexte pour réprimer l'opposition. Les autorités turques affirment pour leur part que ces mesures d'exception sont nécessaires pour éliminer les risques de sédition et faire face à la double menace terroriste du groupe Etat islamique (EI) et du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Les premiers jugements dans des procès liés au putsch manqué sont tombés jeudi : deux soldats ont été condamnés à la prison à vie par un tribunal d'Erzurum (nord-est). A noter que ces purges interviennent au moment où le projet de révision constitutionnelle qui vise à renforcer les prérogatives du président turc, Recep Tayyip Erdogan, adopté en commission, doit être soumis au Parlement à partir de demain. Ce projet prévoit le transfert du pouvoir exécutif du Premier ministre au Président et pourrait potentiellement permettre à M. Erdogan, élu chef de l'Etat en 2014 après trois mandats à la tête du gouvernement (2003-2014), de rester au pouvoir jusqu'en 2029. L'instauration d'un système présidentiel serait une première pour la République turque, actuellement régie par une Constitution établie après le coup d'Etat militaire de 1980.