Depuis l'entrée en vigueur de la loi de finances 2017 avec son lot de contestations, le gouvernement crie à tue-tête que le pouvoir d'achat sera préservé, car les produits de première nécessité ne seront pas concernés par la hausse de 2% de la TVA. Les dépenses des ménages ne se limitent pourtant pas aux produits alimentaires et aux produits de base. L'alimentaire est certes le plus gros poste des dépenses des ménages, selon les chiffres de l'Office national des statistiques (ONS) avec plus de 40% en 2011, mais les 60% restants se répartissent sur des postes aussi divers que le logement, l'habillement, le transport, les communications ou les cosmétiques (voir graphe). Or, tous ces produits sont directement ou indirectement touchés par la hausse de la TVA, les prix des carburants, de la taxe sur l'efficacité énergétique ou encore de l'IRG sur la location d'habitation. Autant dire que le consommateur sera affecté en fonction de «toute hausse de taxes et impôts est considérée comme une ressource supplémentaire directe qui renforce le budget de l'Etat, mais des effets pervers à moyen terme ne sont pas à exclure lorsque ces hausses impactent négativement la consommation des ménages et les investissements des entreprises», observe Mohamed Achir, enseignant en économie. Ce n'est pas la hausse de la TVA qui touche directement le prix d'un produit qui alourdit la facture de ce dernier, mais plutôt les coûts liés à son transport, sachant que les prix des carburants ont augmenté. C'est notamment le cas pour certains produits agricoles. Mais pour tous les autres produits qui sont affectés par le relèvement de la TVA, il faut parfois leur superposer d'autres taxes ou impôts. Des équipements coûteux «Même si la hausse n'est que de 1 ou 2 DA pour le carburant, elle est comptabilisée dans le coût de production et donc le prix supporté par le consommateur final», explique Fares Mesdour, docteur en économie. Au final, tous les produits ont «connu une hausse qui va de 25 à 35% dans certains cas, cela a commencé avant 2017», souligne-t-il. Sur le terrain, cela se ressent notamment pour les équipements électroménagers. Les meubles et les articles ménagers pèsent moins de 3% dans les dépenses annuelles des ménages. Il s'agit de biens durables dont le coût ne se ressent pas au quotidien comme pour les produits alimentaires, mais cela n'empêche pas leurs prix d'augmenter. «Depuis le début de l'année, certains modèles de machines à laver, comme ceux de Brandt et LG, ont connu une hausse de 3000 à 4000 DA», nous explique le gérant d'un magasin d'électroménager. «Pour les anciens stocks, les prix n'ont pas changé, mais dès qu'ils seront écoulés, il faudra s'attendre à une hausse des prix pour les nouveaux arrivages. On ne sait pas de combien cela va augmenter, car en plus de la TVA, il y aussi la taxe énergétique et les coûts supplémentaires qui seront facturés par le fabricant.» Chez Condor, on se veut plus rassurant. Milou Bouderbala, directeur régional au sein du groupe Condor, assure qu'aucune augmentation de prix n'est prévue «par rapport à la loi de finances 2017». En revanche, pour les téléviseurs, une augmentation d'environ 5% est envisagée en raison d'une hausse sur les marchés mondiaux de 30% à 50% du prix de la dalle, un composant essentiel qui constitue 60% du prix de revient d'un téléviseur. «Pour tous les autres produits, il n'y a pas de hausses prévues», dit-il. Les équipements électroménagers représentent plus de 40% des dépenses allouées par les ménagers aux articles ménagers, et outre la TVA qui elle est supportée par le consommateur final, ils seront également soumis à une taxe sur l'efficacité énergétique fixée à 25% sur les produits importés, exigibles depuis le 1er janvier courant et pas avant janvier 2018 pour les produits fabriqués localement. «80% des produits de Condor sont de la classe énergétique A, donc non touchés par cette taxe», précise Miloud Bouderbala. En revanche, les 20% restants ainsi que les autres produits énergivores des autres marques, importés ou assemblés localement, ne pourront pas y réchapper. Assurances Le gouvernement a beau assurer qu'une hausse de 2% de la TVA n'aura pas un gros impact, il ne semble pas convaincre et les consommateurs s'inquiètent quant à un dérapage des prix, et pour cause : «Nous n'avons pas d'entreprises qui évoluent sur un marché concurrentiel domestique censé les pousser à compenser une petite hausse de TVA par la maîtrise des autres coûts de production», explique Mohamed Achir. Mais ce n'est pas tout. Plusieurs facteurs sont là pour faire mentir toutes les garanties données par le gouvernement. Fares Mesdour les énumère : «L'informel contrôle 40% de l'économie, la contrebande fait rage aux frontières, les barons de l'importation édictent leur loi sur les prix, l'Union des commerçants n'a aucun contrôle, et le ministère du Commerce est absent.» L'argument avancé par le gouvernement pour dire que le pouvoir d'achat sera préservé «n'est pas convaincant», conclut-il. Dans ces conditions, de quelle marge de manœuvre dispose le gouvernement dans une économie censée être ouverte et où la fixation des prix est présentée comme impossible, même si certains produits de base sont subventionnés ? Si pour certains experts l'Etat doit libérer les initiatives et se cantonner à son rôle de régulateur, d'autres pensent qu'il pourrait faire plus. «Même dans les économies de marché, l'Etat intervient pour protéger soit le consommateur en fixant un prix plafond, soit l'entreprise en fixant un prix plancher», estime Mohamed Achir. A défaut de pouvoir le faire, le gouvernement compte renforcer le contrôle pour débusquer les commerçants zélés. Avec quelques milliers d'agents sur le terrain et des centaines de milliers de commerces, il aura du pain sur la planche.