Le long périple effectué en Chine, la semaine dernière, par Abdelaziz Bouteflika ne semble pas avoir convaincu les milieux politiques de la guérison ou de l'amélioration de l'état de santé du président de la République. Bien au contraire, les doutes concernant la capacité — physique — du chef de l'Etat à assumer pleinement et continuellement ses responsabilités ont tendance à se faire nombreux et à s'exprimer de plus en plus au grand jour, y compris à travers des médias pourtant réputés proches du palais d'El Mouradia. Jusque-là, l'évocation de la question liée à la santé du président de la République était presque considérée comme un sujet tabou dans ces mêmes organes de presse. Les incertitudes qui entoureraient l'état de santé du chef de l'Etat sont, par ailleurs, relayées par de hauts responsables. Intervenant sous le sceau de l'anonymat, ces derniers n'hésitent plus, à titre d'exemple, à interpréter le report du référendum sur l'amendement de la Constitution non seulement comme une révision à la baisse, par le président de la République, de ses ambitions politiques et un abandon de son projet de briguer un troisième mandat, mais aussi comme une preuve de la fragilité de sa santé. Le quotidien Sawt Al Ahrar, une publication du FLN (parti membre de l'Alliance présidentielle), se rapproche beaucoup de cette lecture. Bien que ce journal, qui bénéficie de solides sources au gouvernement, insiste sur l'idée que le projet de révision de la Constitution n'est pas définitivement enterré, il cite, néanmoins, des sources qui font part aussi d'une « détérioration » ou d'un « affaiblissement » de l'état de santé du président de la République. Et, selon Sawt Al Ahrar, c'est justement cette détérioration qui aurait convaincu le chef de l'Etat à renoncer à sa décision, non pas de réviser la Constitution, mais de retoucher à la disposition limitant à deux le nombre des mandats présidentiels (article 74 de la Constitution). Le fait que Sawt Al Ahrar se soit, lui aussi, mis de la partie dans le dossier inhérent à la santé du Président participe effectivement, en l'absence d'un démenti franc, à accréditer la thèse que la maladie est devenue un facteur incommodant pour le chef de l'Etat et, par extension, pour ses projets politiques. La réouverture du débat sur la santé du président de la République — au-delà des incertitudes auxquelles celui-ci peut renvoyer — coïncide, en outre, avec l'émergence d'un début d'opposition, au sein du sérail, à l'ancien candidat du consensus. Cette opposition, qui semble se cristalliser autour d'anciens hommes forts du pouvoir, annonce comme une sorte de début de la fin du règne de Bouteflika. Dans son édition du 8 novembre, Le Quotidien d'Oran a cité des sources proches du palais d'El Mouradia qui non seulement n'ont manifesté aucune crainte à critiquer le bilan du président Bouteflika, mais n'ont également pas hésité à qualifier de « dangereux » son projet de relooker la Constitution. En décodé, cela pourrait vouloir dire que les forces qui ont participé à porter Bouteflika au pouvoir en 1999 et en 2004 se sont entendues sur de nouvelles projections. Si tel est le cas, cela expliquerait le changement d'attitude et, surtout, l'agressivité que manifestent ces derniers temps certains médias à l'égard de Bouteflika. Et cette agressivité pourrait aller crescendo si Bouteflika envisage de faire de la résistance ou de réagir rapidement.