Le président de la République est-il dans son bureau au palais d'El Mouradia ? A-t-il repris effectivement son travail ? Ces questions qui paraissent a priori insensées après le retour de M. Bouteflika le 31 décembre 2005 coulent de source. Dix jours après le bain de foule d'Alger, le chef de l'Etat, officiellement guéri et sa convalescence terminée, s'est effacé de la scène politique nationale. Hormis les laconiques messages de condoléances et autres félicitations adressés à ses homologues que la télévision se charge de répercuter en ouverture de ses journaux, rien n'indique, officiellement, que le Président a repris ses activités. Bien au contraire. Le site Internet de la Présidence (www.elmouradia.dz) qui tient à jour l'agenda politique et diplomatique de M. Bouteflika nous informe qu'aucune activité présidentielle n'est prévue tout au long de ce mois de janvier. Dans les rubriques activités nationales et activités internationales, le site propose la même réponse : « Aucune activité pour ce mois. » Au chapitre des audiences, rien à signaler également puisque aucune personnalité ne sera reçue par le Président, du moins jusqu'au 31 de ce mois. De fait, la virginité de l'agenda présidentiel sur une période d'un mois est pour le moins surprenante. Si l'on peut à la rigueur comprendre que M. Bouteflika veuille se donner un peu de temps pour reprendre son activité internationale après sa convalescence, le « gel » de ses activités nationales est plutôt curieux. En effet, depuis le 1er janvier, le chef de l'Etat n'a fait aucune apparition publique, ne serait-ce que protocolaire, lui qui a habitué l'opinion à une surmédicalisation. Pourtant, les Algériens croyaient réellement que la parenthèse de sa maladie était définitivement fermée après son message rassurant au peuple. « Ayant recouvré ma santé, je retrouve aujourd'hui mes pleines capacités pour poursuivre la mise en œuvre du programme dont vous m'avez chargé... » Abdelaziz Bouteflika avait, ce jour-là, convaincu les plus dubitatifs des Algériens qu'il allait véritablement bien et qu'il allait le prouver sur le terrain, mais, depuis, mystère et boule de gomme. Aussi, l'opinion retient que c'est le chef du gouvernement qui reçoit ces derniers jours les invités de marque de l'Algérie. Ce fut également Ahmed Ouyahia, accompagné de certains ministres, qui est allé au siège de l'ambassade des Emirats arabes unis pour présenter les condoléances officielles de l'Algérie suite au décès du prince héritier de Dubaï, le cheikh Maktoum Ben Rached Al Maktoum. Tandis que Abdelkader Bensalah fut dépêché aux Emirats pour assister à son enterrement. Hier, une dépêche balancée par l'agence officielle APS accentue un peu plus le doute. En effet, c'est le ministre des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui qui s'est chargé de recevoir les lettres accréditant le nouvel ambassadeur du Japon à Alger. Or il est connu dans les usages diplomatiques que la présentation des lettres de créance des nouveaux ambassadeurs de pays étrangers se fait dans une cérémonie officielle présidée justement par le chef de l'Etat en compagnie de son directeur de cabinet et du ministre des AE. Selon le site Internet de la présidence, Abdelaziz Bouteflika devra donc faire l'impasse sur la rencontre du 23 de ce mois à Khartoum (Soudan) et qui devrait regrouper les chefs d'Etat des pays de l'Union africaine. Sa convalescence s'est-elle donc allongée de quelques semaines pour justifier cette inactivité ? Faute d'une apparition publique ou simplement d'une communication, les Algériens sont réduits à colporter rumeur sur rumeur. Le doute devra être néanmoins levé demain à l'occasion de la prière de l'Aïd, comme l'a confié une source proche de la Présidence. Et pour cause, il est de tradition que le chef de l'Etat accomplisse sa prière à la Grande Mosquée d'Alger. Abdelaziz Bouteflika avait, rappelons-le, souhaité « bonne fête » au peuple algérien le jour même de son retour.