C'est dans un contexte nouveau avec des données liées à la réalité du terrain que s'ouvrent, aujourd'hui dans la capitale du Kazakhstan, de nouvelles négociations entre régime et rebelles syriens, parrainées par la Russie et la Turquie. La nouveauté, cette fois, réside non pas dans les questions liées à la nature du conflit, mais à ce qui s'apparente comme une offre du régime à ses opposants armés, soit une reddition pure et simple en échange de ce qu'il appelle une réconciliation. Pour Bachar Al Assad, en effet, au-delà de la consolidation du cessez-le-feu, «les pourparlers devront permettre aux groupes (rebelles) de se joindre aux accords de ‘réconciliation', ce qui signifie rendre les armes en échange d'une amnistie». C'est là une nette évolution du conflit enregistrée dès les derniers mois de 2015, marquée par une réoccupation du terrain par l'armée régulière, aidée en cela par l'armée russe. L'on parle donc de négociations en vue de reprendre le processus lancé à Genève dès 2012, sous ses deux manches jamais abouties en raison de l'intransigeance dont faisait preuve la rébellion, exigeant le départ du président Bachar Al Assad, alors même qu'il acceptait le principe d'une transition pourtant perçue par les émissaires des Nations unies, dont l'Algérien Lakhdar Brahimi, comme un pas vers la sortie. A croire que cette perspective paraît perdue de vue, comme le laisse entendre l'offre de Bachar Al Assad. «Je suis optimiste. Je suis prêt à une réconciliation avec eux à condition qu'ils déposent les armes», a dit M. Al Assad à des visiteurs étrangers. Une source syrienne affirmait, ces derniers jours, que la délégation gouvernementale allait se rendre à Astana pour parler d'«un règlement politique global au conflit en Syrie (...) et le rétablissement de l'autorité de l'Etat sur tout le territoire syrien». C'est pourquoi le bouleversement touche l'ensemble du processus. Ainsi, apprend-on, les politiques en seront éloignés au moins pour un temps. Que les hommes de terrain, c'est-à-dire les militaires, s'entendent sur la consolidation du cessez-le-feu. A la différence des précédentes tentatives de négociations entre Syriens, Astana sera «une rencontre entre personnes qui s'affrontent les armes à la main et contrôlent des territoires concrets», a ainsi déclaré le chef de la diplomatie russe. Les principaux groupes rebelles ont déjà annoncé leur participation à ces négociations. Voilà donc une nouvelle approche, totalement opposée à ce que l'ONU préconisait jusque-là, sauf bien entendu dans son objectif qui est la fin de cette guerre qui a fait 300 000 morts, détruit ce pays, poussé des millions de Syriens à l'exode et ruiné son économie. Une véritable catastrophe avec un impact qui s'étend bien au-delà de ses frontières, comme ont tenu à le souligner de nombreux spécialistes. Des effets jamais envisagés, ce qui renseigne sur le manque de vision au moins, beaucoup étant braqués sur Bachar Al Assad avant de considérer qu'il fallait l'associer à tout règlement. Il y a deux jours, le vice-Premier ministre turc déclarait qu'il n'est «pas réaliste» pour la Turquie d'insister sur un règlement du conflit en Syrie excluant le président Al Assad, dont Ankara a longtemps exigé le départ. «La situation sur le terrain a changé de façon spectaculaire et la Turquie ne peut plus insister sur un règlement sans Al Assad. Ce n'est pas réaliste», a déclaré Mehmet Simsek. Une réalité devenue incontestable, déjà admise et acceptée par tant d'autres pays, beaucoup d'entre eux alertés par les conséquences jamais envisagées de cette guerre, le flux migratoire en étant la moindre. Mais tous insistent sur l'urgence d'un règlement, car les retombées du conflit syrien sont «devenues trop dangereuses» pour le monde, a récemment déclaré le secrétaire général de l'ONU. Al Assad a rapidement dit son optimisme quant à un proche règlement. Astana n'en sera qu'une étape, mais elle sera à coup sûr déterminante.