Le ministre français de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, entame, aujourd'hui, une visite de travail de deux jours à Alger, à l'invitation de son homologue Yazid Zerhouni. Les deux ministres, a-t-on annoncé officiellement, étudieront les moyens de renforcer la coopération bilatérale, en particulier dans le domaine de la circulation des personnes et de la lutte contre l'immigration illégale. Le dossier de la lutte contre le terrorisme et la criminalité devrait également être au centre des discussions. Lors de son séjour en Algérie, M. Sarkozy sera reçu par le président Bouteflika et le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem. L'officiel français devrait se rendre, en outre, au sanctuaire des martyrs, au cimetière de Saint-Eugène et visiter Notre-Dame d'Afrique, avant de rencontrer des représentants de la communauté française d'Alger. C'est la troisième visite en Algérie de M. Sarkozy, qui y était venu à deux reprises durant l'été 2004 en qualité de ministre de l'Economie et des Finances. Des analystes politiques des deux côtés de la Méditerranée soutiennent l'idée que Sarkozy cherchera à mettre à profit son séjour à Alger pour tenter de relancer le dialogue entre Alger et Paris, au point mort depuis l'adoption, par le Parlement français, en 2005, de la loi inique du 23 février glorifiant la colonisation. Le ministre français ne devrait pas aussi se priver, ajoute-t-on, de la possibilité de peaufiner son image d'homme d'Etat en essayant de gagner des points sur des dossiers de politique étrangère et des voix dans l'électorat français d'origine algérienne. Sa mission devrait, néanmoins, s'annoncer bien difficile dans la mesure où la France refuse encore de reconnaître les crimes commis durant la période coloniale. Et à ce propos, il n'est pas inutile de rappeler que le gouvernement algérien fait de cette reconnaissance une condition sine qua non pour rouvrir le dossier du traité d'amitié entre les deux pays. Cette exigence a, d'ailleurs, été réitérée par le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, lors de son passage, samedi, au forum de l'ENTV. « Il faut que la France reconnaisse les crimes commis en Algérie. Pas seulement le nombre des victimes, le pillage des richesses, mais également l'effacement de l'identité nationale », a indiqué Abdelaziz Belkhadem. La polémique suscitée par la loi du 23 février 2005 a, souligne-t-on, entraîné le report sine die de la signature, fin 2005, d'un traité d'amitié entre la France et l'Algérie. Dans ce contexte, la déclaration de Sarkozy faite, la semaine dernière, à l'hebdomadaire Jeune Afrique et dans laquelle il soutient l'idée qu'il a « toujours pensé que l'amitié n'avait pas besoin d'être gravée dans le marbre d'un traité », peut ainsi laisser penser que Sarkozy n'a rien de particulier à proposer, ou plutôt qu'il vient enterrer ce projet de traité d'amitié et replonger les relations algéro-françaises dans une certaine banalité. Cela après qu'on ait parlé, en 2004, de partenariat d'exception. Le message semble avoir été compris, côté algérien, puisque le chef du gouvernement a souligné également, samedi, que l'Algérie était prête aussi à « développer des relations entre Etats souverains » avec la France dans « l'intérêt commun » des deux pays. L'autre élément plaidant en défaveur de Nicolas Sarkozy tient à sa qualité de président de l'UMP. A ce propos, de nombreux observateurs s'interrogent sur la crédibilité que pourrait avoir le discours de Nicolas Sarkozy sur l'amitié alors qu'il n'a pas bougé le petit doigt lorsque les députés de sa formation politique ont conçu et adopté la loi du 23 février et après les propos haineux proférés à l'égard de la communauté immigrée d'origine maghrébine établie en France. Au moment où les thèses néo-conservatrices commencent à connaître un début de récession aux Etats-Unis d'Amérique, Nicolas Sarkozy passe pour devenir l'un des principaux apôtres des nouvelles valeurs de la droite française. Des valeurs construites sur un discours souvent plus à droite que celui prôné par Le Pen lui-même. Et ce n'est certainement pas l'annonce de mesures visant à faciliter la délivrance des visas Schengen pour les Algériens, que le ministre français devrait faire au cours de sa visite de travail à Alger, qui participera à changer son image. Il lui sera bien difficile de gagner des points sur ce dossier des visas et de faire passer cette annonce pour un cadeau personnel pour la simple raison que l'opinion sait que l'allégement dont il est question aujourd'hui est surtout le fruit d'un effort diplomatique soutenu du gouvernement algérien. En ce sens, l'Algérie a jugé discriminatoire le fait que, depuis 1995, les Etats européens de l'espace Schengen doivent être consultés systématiquement avant que l'un d'entre eux accorde un visa pour l'entrée d'un Algérien sur son territoire. Cela contrairement aux autres pays du Maghreb.