En plein précampagne électorale pour la présidentielle 2007, le ministre de l'Intérieur français, Nicoclas Sarkozy, président de l'UMP (droite au pouvoir) et candidat à l'Elysée, débarque à Alger les 13 et 14 novembre courant. Selon un communiqué du ministère français de l'Intérieur, publié hier sur son site internet, Nicolas Sarkozy visite l'Algérie à l'invitation de son homologue algérien, Yazid Zerhouni. « Les deux ministres d'Etat étudieront les moyens de renforcer la coopération bilatérale, en particulier dans le domaine de la circulation des personnes et de la lutte contre l'immigration illégale, contre le terrorisme et la criminalité », est-il noté dans le communiqué. C'est la troisième visite de Sarkozy en Algérie, après ses deux voyages de l'été 2004 en tant que ministre de l'Economie et des Finances. Reçu à l'époque par le président Bouteflika, le ministre français avait signé à Alger le fameux Aide-Mémoire sur le partenariat pour la croissance qui devait préparer le terrain au projet de Traité d'amitié entre les deux pays. Tout cela, c'était avant la polémique sur les « bienfaits » de la colonisation portée par la loi du 23 février 2005, texte ardemment défendu par l'UMP. Depuis, c'est le froid entre Alger et Paris. Le président Bouteflika a exigé de la France de demander pardon pour les crimes coloniaux, préalable à la signature du traité d'amitié. Cette demande a été accompagnée par une levée de boucliers surtout parmi les nostalgiques de « l'Algérie française » qui en sont venus à un discours de volaille, symptomatique d'un pays incapable d'assumer son passé. La chaîne publique France 2 a cédé, la semaine passée, à la facilité du slogan lors d'une émission qui portait un titre curieux : « Occident, halte à la repentance » au cours de laquelle le journaliste Guillaume Durand s'est inscrit au club bruyant des nouveaux islamophobes. Club où Nicolas Sarkoy, fils d'un immigré hongrois, n'est pas loin. « On assiste au développement en France chez certains individus, et parfois même au sein de l'Etat, à une tendance irrépressible à la repentance systématique (...) Notre société est menacée d'une funeste inclination au reniement de soi. Finira-t-on, un jour prochain, par s'excuser d'être Français ? », s'est interrogé Nicolas Sarkozy, dans une opinion publiée, lors de la polémique sur la loi du 23 février 2005, par le Journal du Dimanche. L'homme, comme l'ont fait les racistes de l'extrême-droite, a invité les étrangers à choisir entre « aimer » ou « quitter » la France et n'a pas hésité à présenter un projet de loi sur l'immigration. A Alger, il abordera la question de la lutte contre l'immigration clandestine sans remettre en cause les accords signés entre les deux pays en matière de circulation de personnes. Sarkozy, qui a tenté de complexer l'Espagne, pays plus évolué dans ce domaine, sur le dossier de l'immigration, devra convaincre Alger, où les craintes exagérées de Paris, voire même de Bruxelles, sont mal perçues. Alger attend une suppression de la procédure de consultations, applicables uniquement aux Algériens, pour le Maghreb, lors de la délivrance de visas (le consulat général de France à Alger refuse 50% des demandes de ces documents de voyage). Parce qu'il a été peu persuasif sur la question, le ministre des Affaires étrangères, Philipe Doust-Blazy a complètement raté sa dernière visite à Alger, au début de l'année. Alger qui souhaite que la politique de « bon voisinage » de l'Union européenne soit une réalité et que les peurs et les fantasmes des « boats people » soient moins étouffants. Paris, qui regarde le rapprochement algéro-américain en matière de lutte contre le terrorisme d'un œil suspicieux, veut également se mêler. D'où l'inscription du dossier lors du passage de Nicolas Sarokzy qui, en théorie, n'a que quelques mois à passer au ministère de l'Intérieur. Fin octobre, Nicolas Sarkozy était en visite au Maroc où il a participé avec des responsables de plusieurs pays, dont des Etats membres du G8, à une rencontre sur la prévention du « terrorisme nucléaire ». Rencontre à laquelle l'Algérie n'avait pas été conviée. C'est presque les mêmes thématiques qu'il développera à Alger, sauf la vente d'armes puisque l'Algérie, qui coopère de plus en plus avec l'OTAN et qui a signé de gros contrats d'achat avec la Russie, n'est pas en demande. La France, qui développe une activité, parfois peu visible, dans la région du Sahel, entend proposer à l'Algérie une aide pour sécuriser les frontières du Sud pour lutter contre l'immigration et le trafic d'armes. Si les nouveaux accords entre l'Algérie et la Russie en matière de production et de vente du gaz inquiètent au plus haut point Paris, après la crise de l'hiver passé avec l'Ukraine, la France craint les réticences d'Alger quant à la reconduction d'un contrat de fourniture de produits hydrocarbures signé au début des années 1960. A tarif préférentiel, ce contrat longue durée avait beaucoup profité à la France dans sa consommation de pétrole. Au-delà des aspects stratégiques et économiques, Nicolas Sarkozy, qui bénéficie d'une complaisance maladive des médias français et qui n'a plus la cote auprès de la communauté arabe, musulmane et africaine en France après ses propos haineux suite à la crise des banlieues, entend bien, et à sa manière, solliciter des soutiens à Alger pour sa future campagne. Si des cercles à Alger pensent que Sarkozy « a des chances », d'autres doutent fort de sa capacité à convaincre un électorat dégoûté de ses frasques. A Alger, le ministre français aura, théoriquement, des entretiens avec le président Bouteflika et avec le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem. Il se rendra au cimetière de Saint-Eugène et à l'Eglise Notre-Dame d'Afrique. Il arrive au moment où l'actuel ambassadeur de France, Hubert Colin de Verdière, s'apprête à quitter Alger.