Le processus de la réconciliation nationale reste ouvert ! Abdelaziz Belkhadem estime qu'il est difficile de limiter dans le temps une telle démarche qui touche beaucoup plus, selon lui, à la morale et au comportement des gens. Le chef du gouvernement, qui a répondu aux questions des journalistes lors du forum en direct de la Télévision algérienne, la soirée du samedi, n'a pas manqué de dire que la politique de la réconciliation nationale ne peut nullement être circonscrite dans « un bilan chiffré ». « Cicatriser les plaies, taire les haines et stopper la violence ne peuvent être reflétés par un chiffre, quelle que soit son importance », argue-t-il devant la foultitude de journalistes en face de lui et un staff gouvernemental servant d'arrière-plan. Ceci dit, M. Belkhadem, qui se considère toujours comme un simple « coordinateur du gouvernement », a fini par verser dans un bilan plutôt chiffré pour vanter le « succès retentissant » de la mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Selon lui, 10 346 enquêtes sociales ont été effectuées et 6052 dossiers de familles de terroristes nécessiteuses ont été étudiés, dont 3769 ont été acceptés par la commission en charge de l'application des dispositions de la charte. « Le reste des dossiers attend des compléments d'informations », a-t-il souligné. Il a, également, parlé de la réintégration des personnes licenciées durant la décennie du terrorisme. Le chef du gouvernement a ainsi indiqué que sur 13 320 personnes qui se sont rapprochées des commissions de wilaya, 4690 ont exprimé le vœu d'être réintégrées dans leur poste de travail, tandis que 3100 ont voulu seulement être indemnisées. Et jusque-là, 5300 dossiers ont été traités. M. Belkhadem a livré d'autres chiffres sur le dossier des disparus. « Sur les 6601 cas recensés, 3610 personnes de leur famille ont reçu des décisions de justice à la fin du mois d'août dernier », a-t-il noté. Poursuivant son langage arithmétique, le chef de l'Exécutif, qui est aussi le secrétaire général du FLN, a annoncé, avec un brin de fierté, l'élimination, en tout et pour tout, de 16 930 terroristes, depuis le début de la crise, dans les années 1990. M. Belkhadem a cependant omis (!) de parler des dégâts physiques et matériels causés par le regain de l'activisme des groupes terroristes, qui continuent de semer la mort dans les rangs de l'ANP et de la police. Ce fait n'inquiète guère le chef de l'Exécutif, qui dit n'avoir aucune crainte quant au risque du retour du terrorisme. A ses yeux, les attentats commis ça et là peuvent être l'œuvre de ceux qui rejettent le processus de la réconciliation nationale. Lesquels ? Le chef du gouvernement n'ira pas au bout de son idée, se contentant de dire que « lors du référendum sur la charte, il y avait ceux qui ont voté contre, qui ont refusé la réconciliation nationale, qu'ils soient armés dans les maquis ou pas ». Entendre donc parler d'un convoi militaire attaqué ou d'une bombe explosée, cela ne l'étonne pas. A bien le comprendre, la réconciliation ne prémunit pas contre d'éventuels actes terroristes. Elle ne garantit pas la pleine quiétude pour les Algériens, mais elle consolide seulement la paix et stabilité du pays. « Aucun responsable, du président de la République au président de l'APC, n'a dit aux Algériens qu'en votant pour la charte pour la paix et la réconciliation nationale, vous allez marquer la fin du terrorisme », a-t-il soutenu, précisant, au passage, que « la volonté du peuple de concrétiser la réconciliation nationale est plus forte que les visées destructrices et mortifères des terroristes ». Aussi, M. Belkhadem estime qu'il n'y a aucune possibilité que certains responsables du FIS dissous puissent revenir sur la scène politique. « La charte interdit toute activité politique à toute personne à l'origine de la tragédie nationale », a-t-il souligné. Mais Rabah Kébir, qui n'a pas caché sa volonté de créer un parti politique, n'est-il pas parmi ces personnes responsables de la tragédie nationale ? Evoquant la multiplication des actes de kidnapping, M. Belkhadem a reconnu la nouveauté de ce phénomène en Algérie, sans parler des mesures prises le gouvernement pour assurer la sécurité des citoyens. Au sujet de la révision constitutionnelle, le chef du gouvernement a indiqué que le président Bouteflika dispose de deux à trois moutures qu'« il est en train d'étudier, et le jour où il optera pour une mouture donnée, il convoquera le corps électoral ». Il expliquera la décision du report du référendum sur la loi fondamentale par l'avènement d'autres priorités au président Bouteflika qui a procédé, selon lui, à l'évaluation de l'ensemble des secteurs, durant le mois de Ramadhan. A propos des affaires de corruption dans lesquelles sont impliqués des hauts responsables au sein de l'Etat, M. Belkhadem a promis que la loi sera appliquée sur tout le monde. « Nul n'est au-dessus de la loi », a-t-il martelé, précisant que la lutte contre la corruption n'est pas seulement du ressort des pouvoirs publics, mais elle concerne également toute la société. Profitant du contexte de la visite, aujourd'hui, du ministre français de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, M. Belkhadem a réitéré la nécessité que la France reconnaisse les crimes commis durant la période coloniale. Pour étayer ses propos, le chef du gouvernement a rappelé la déclaration du président français Jacques Chirac, lors d'une visite en Turquie, au sujet des Arméniens, selon laquelle « un Etat se grandit en reconnaissant ses erreurs envers les peuples ».