Le Chef du gouvernement, invité samedi soir du Forum de l'ENTV, a évoqué la révision de la Constitution tout en confirmant le report du référendum, il en a donné les raisons. Pour Abdelaziz Belkhadem, le dossier de la réconciliation nationale n'est pas clos, malgré les résultats “probants” de l'application de la charte. Toutefois, il a souligné la nécessité de poursuivre ce long processus. Il s'attardera sur les chiffres même s'il reconnaît la persistance des actes terroristes. Il n'y aura pas de retour du terrorisme, mais d'autres phénomènes sont apparus pour pousser les services de sécurité à adopter d'autres méthodes de lutte. Le Chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, est revenu avant-hier soir sur la révision de la Constitution pour confirmer le report du référendum. “Il y aura report. Je l'ai dit en tant que Chef du gouvernement, le ministre de l'Intérieur l'a déclaré à la presse. Le Président a des priorités”, a justifié M. Belkhadem. Le motif du report, a-t-il précisé est “l'évaluation (les auditions) de chaque ministère”. Il a, par ailleurs, indiqué que le Président dispose de deux ou trois moutures de révision constitutionnelle qu'il est en train d'affiner, d'analyser. Le président de la République convoquera, selon lui, le corps électoral lorsqu'il aura décidé. Mais il ne donnera aucune précision sur les auteurs des deux autres moutures. Reprenant sa position de secrétaire général du FLN, Belkhadem donnera et expliquera l'option de son parti en revenant sur les arguments qu'il avait donnés lors de l'annonce de “la confection” de sa mouture. Le FLN veut aller vers un régime présidentiel pour en finir avec la dualité au sommet du pouvoir, de l'Exécutif. Il s'étalera dans la démonstration de la confusion et des interférences au sommet. Une sorte d'affrontement entre les instances de l'Exécutif, Conseil des ministres, interministériel, Conseil de gouvernement, Présidence que ce soit dans les communiqués, les décisions et les nominations. D'où, selon lui, “la nécessité de la révision de la Constitution pour clarifier les prérogatives”. La même dualité subsiste dans d'autres institutions comme la justice avec ses différentes chambres. Il s'agit, a-t-il aussi argué, de permettre aux partis de contrôler les actions de l'Exécutif. La réconciliation nationale par les chiffres. Parlant de la réconciliation nationale, Abdelaziz Belkhadem a d'emblée fait savoir que son application visait à assainir le climat politique et ramener la stabilité dans le pays. Il motivera également la prorogation du délai d'application de la charte en estimant qu'il s'agit avant tout d'une question morale et culturelle qu'on ne peut pas réduire à une période et qu'on ne devrait pas “limiter le bilan à des chiffres”, parce que, a-t-il souligné, “il s'agit d'arrêter l'hémorragie, l'effusion de sang, faire cesser les haines”. Celui qui a refusé de réduire tout à des chiffres ne manquera pas pourtant d'en donner jusqu'au détail concernant cette même réconciliation nationale. Il a axé particulièrement sur les bilans chiffrés des cas de disparition et des terroristes tués. À fin août, date d'expiration de la charte, il a été recensé, selon lui, 6 601 cas de disparus. Les jugements ont concerné 3 610 cas. Selon les jugements, a-t-il indiqué, 3 041 ont été considérés comme cas de disparus. Il reste 3 553 dossiers. Les commissions ont rejeté 297 cas. Le nombre de terroristes abattus est de 16 930, a-t-il déclaré. Les enquêtes sociales concernant les familles de terroristes démunies qui ont fait l'objet d'un décret à part, sont au nombre de 10 346. Les commissions de wilaya ont accepté 3 667 dossiers sur les 6 052 réceptionnés. 19 000 dossiers ont été rejetés. Evidemment, il ne donnera aucune des raisons de rejets. Par ailleurs, contredisant Ksentini, responsable de la CCNPPDH, qui a déclaré que des obstacles gênent l'application de la charte, Belkhadem reconnaîtra qu'il y a des lenteurs. Evoquant le cas des licenciés, il a révélé que les commissions ont enregistré 4 690 demandes de réintégration. En tout, 5 300 dossiers ont été étudiés. Les réparations matérielles ont touché, pour diverses raisons d'impossibilité de réintégration, 3 100 personnes. Sur l'éventuel retour des anciens du FIS à la vie politique, Belkhadem renvoie à la charte qui stipule clairement l'interdiction. Terrorisme et autres phénomènes de violence. Malgré la recrudescence des attentats terroristes ces derniers mois, Belkhadem est convaincu qu'il n'y a pas son retour comme avant. “Il n'y a pas de crainte du retour du terrorisme”, a-t-il dit, mettant les derniers actes sur le compte des opposants à la réconciliation nationale. Prévisible dans la mesure où il y eut des votes contre lors du référendum. Il a insisté également pour dire que “personne n'a dit que le terrorisme sera fini après le référendum”. Il a refusé aussi la dénomination de “résidu du terrorisme”, ce qui reste des groupes terroristes, en estimant que ce sont des terroristes “tout court” même s'il en reste un seul qui dérange. Il a considéré, par ailleurs, les enlèvements comme un phénomène nouveau, concentré dans “une certaine région du pays”, qui est souvent suivi d'une demande de rançon. Pour y faire face, de nouvelles mesures ont été prises avec les services de sécurité, a-t-il rassuré. Il en est de même concernant les autres phénomènes comme les vols de portables, les agressions physiques, atteintes aux biens, les hold-up… Les services de sécurité s'adaptent, se spécialisent pour contrer ces fléaux, selon lui. La colonisation française un crime et une atteinte à l'identité. Sur la question de la colonisation, de la loi du 23 février, Belkhadem a été intransigeant. Il reconnaît qu'il y a un travail et des intérêts en commun, mais s'interroge comment “traiter” sans omettre la mémoire. Il a estimé que le partenariat peut être développé, “à condition que la France reconnaisse ses crimes durant la période coloniale”. Et de rappeler au président français son “conseil” aux Turcs lorsqu'il leur a dit “le pays grandit lorsqu'il reconnaît ses crimes”, en parlant de l'Arménie. “Que la France reconnaisse ses crimes”, martèle Belkhadem ajoutant que “le peuple peut pardonner, mais pas oublier”. Car, a-t-il souligné, il ne s'agit pas seulement d'un crime et de spoliation des ressources, mais d'une atteinte à l'identité. L'ouverture de l'audiovisuel n'est pas pour demain. Il a enfin exclu, du moins dans l'immédiat, l'ouverture au privé du champ audiovisuel. Belkhadem a paru très réservé sur la question. Il se contentera de répondre par “chaque chose en son temps”. La priorité, selon lui, est de consolider l'identité nationale avant de passer à l'ouverture. “Nous voulons développer les médias, un travail objectif, d'abord dans les institutions algériennes avant de passer ensuite à l'ouverture, que ce soit pour les nationaux ou les étrangers”, dit-il tout en reconnaissant l'attractivité d'investissement dans ce créneau. Le Chef du gouvernement insistera particulièrement sur l'identité en raison des craintes qu'inspire la mondialisation. Pour lui, il s'agit d'un jeu de mot, d'une terminologie, parce la mondialisation n'est rien d'autre qu'une américanisation. Djilali B.