La triche aux examens universitaires n'est pas un phénomène nouveau. Seulement, ces dernières années, aggravé par l'atonie et la dépréciation du secteur, elle prend des proportions inquiétantes. Au-delà de la dénonciation et des mesures de prévention à mettre en place, il faut aussi creuser en profondeur pour s'attaquer aux véritables raisons de ce délit minimisé. C'est la période des examens dans les établissements universitaires. Les bibliothèques sont prises d'assaut et les photocopieurs installés à l'intérieur des établissements et ceux des commerces limitrophes produisent des copies à la chaîne. Grâce aux nouvelles technologies, les étudiants échangent également les polycopes des cours via les réseaux sociaux. La «révision» est la thématique principale des discussions entre jeunes universitaires : jusqu'à quelle leçon tel enseignant vous a demandé de réviser ? Qui a les meilleures prises de notes ? Les résumés les plus efficaces ? Après l'obsession de la révision vient quasi systématiquement celle de la ruse. Alors que les échanges pour la préparation de l'examen se font à voix basse, ceux de la triche sont bruyants, hilarants et ponctués de franche rigolade. Comme si le travail studieux était une honte alors que le copiage presque une preuve de bravoure et de débrouillardise. «On fait ce qu'on peut. L'essentiel est d'avoir son module dans les temps. De toutes les manières, on sait que les notes ne sont pas établies en fonction de nos efforts mais au gré de l'humeur de l'enseignant et des ses affinités», justifie Nadir, un étudiant en troisième année à la faculté des sciences de l'information. Tout à fait à l'aise dans son ton, convaincu par ses arguments, il ne donne pas l'impression de mesurer la gravité de sa démarche. «La triche fait partie de mon cursus scolaire. J'ai toujours triché lors des examens depuis l'école primaire, alors pourquoi changer une habitude qui m'arrange ? C'est d'ailleurs l'une des rares choses que j'ai apprises du système éducatif», ose-t-il déclarer en fanfaronnant devant ses amis. A contrario, Narimène, étudiante en sociologie, fait profil bas même si elle reconnaît avoir souvent recours à la triche pour les modules qu'elle juge difficiles. «Je ne le fais pas systématiquement. En fait, cela dépend du profil de l'enseignant. Il y a ceux qui veulent trouver leurs propres expressions dans les copies d'examen et d'autres à qui tu dois prouver que tu as assisté à tous leurs cours. La seule manière de le faire, c'est de reproduire leurs dictées», explique-t-elle, presque désolée. À tous les niveaux Si Nadir le téméraire utilise encore les anciennes techniques de copiage axés sur l'écriture fine sur tout support possible (petits papiers, tables et murs des salles de cours…) ou encore sur l'échange d'informations et de feuilles avec ses camarades, Narimène la discrète opte pour la technologie et les avantages vestimentaires. Munie d'un kit complet du parfait tricheur en examen — smartphone et oreillette — elle utilise son hidjab fashion pour cacher les outils du délit. Le voile dissimulant les écouteurs, la longue liquette offrant largement le camouflage nécessaire pour le reste. «Aujourd'hui, on voit de tout. Il y a des étudiants qui arrivent à dénicher les feuilles d'examen spécifiques à l'établissement, y transcrivent les cours et les introduisent en salle d'épreuve. D'autres utilisent les nouvelles tendances vestimentaires, les trous des jeans et autres, pour cacher les antisèches», révèle un responsable administratif dans un établissement universitaire algérois. Un enseignant, par ailleurs, tire la sonnette d'alarme sur le phénomène de la triche qui hante tous les niveaux de l'éducation depuis le primaire jusqu'à l'enseignement supérieur. «La fraude à l'examen est devenue l'un des derniers refuges des étudiants qui ne veulent pas faire l'effort de la recherche ni celui du travail sérieux», dénonce-t-il en reconnaissant toutefois que la pratique est aussi motivée par le comportement pédagogique de certains professeurs. «Certains profs posent des questions qui ne font pas appel aux facultés d'analyse. Normalement, ils devraient axer leur test sur des épreuves censées permettre à l'étudiant de présenter sa façon de voir les choses en utilisant un argumentaire basé sur ce qu'il a appris en cours, en étayant sa réponse avec des théories et des études. Mais, souvent, les enseignants utilisent la formule 'renvoie-moi la marchandise que je t'ai donnée', alors l'examiné est tenu de restituer à la lettre ce que son encadreur a dicté», regrette-t-il, en admettant par ailleurs que les programmes sont chargés et que les examens se passent dans une période trop courte pour permettre une révision efficace. Sans vouloir justifier un délit, la triche aux examens universitaires est une pratique qui vient de loin, du primaire, et se poursuit jusqu'au plagiat scientifique et autres perversités intellectuelles. Elle trouve pourtant bien des raisons presque compréhensibles. En plus des arguments présentés par le responsable administratif, d'autres, moins avouables, refroidiront l'ardeur des premiers de la classe. En effet, quand on sait que des enseignants utilisent leurs prérogatives d'évaluation à des fins autres que pédagogiques, que les notes sont également un produit à marchander contre des services et des sévices, que la preuve s'il en est du «charisme» et de la réputation de l'enseignant se mesurent au nombre d'étudiants quémandant des points devant son pupitre… la triche devient un épiphénomène. Les sanctions Lorsque l'étudiant est pris en flagrant délit de triche, il est immédiatement conduit, muni de la feuille d'examen et de l'objet du délit, vers le bureau du chef de département ou du responsable pédagogique, explique le responsable administratif d'une université d'Alger. Ces preuves et son dossier administratif sont mis dans une boîte en attendant la tenue d'un conseil de discipline qui statuera sur la sanction à retenir contre le tricheur. Si le délit est prouvé et n'est pas aggravé, il sera tout bonnement privé de sa note d'examen, ce qui dans le système LMD, vaut une exclusion du module et donc du semestre. Si l'étudiant aggrave son cas en ayant un comportement condamnable vis-à-vis de l'enseignant, du surveillant ou d'un membre de l'administration, il peut se voir exclu pendant deux années. Dans les cas extrêmes, l'étudiant peut être carrément exclu définitivement de l'université.