Ils sont nombreux, ces enfants, quoique nés en Algérie de mères algériennes… mais de pères subsahariens irréguliers, à être privés d'école et d'autres droits. Le droit du sol n'existe pas en Algérie. Alors, qu'en est-il pour les enfants de migrants qui sont nés ici ? Sonia est une cadre algérienne qui vit avec un Malien sans papiers. De cette union sont nées deux filles. «N'étant pas mariée légalement, puisque mon époux est clandestin, mes enfants ne peuvent pas aller dans une école publique, d'où le recours à un établissement privé.» Le mari, Ahmadou, va plus loin : «Heureusement que ma femme travaille et peut se permettre de mettre notre fille dans une école privée, mais moi, je suis menacé d'expulsion à tout moment. Ici en Algérie, le statut de réfugié n'existe pas, ni regroupement familial d'ailleurs, puisque notre union n'est pas reconnue par la loi du pays.» Il existe des milliers de cas de cette catégorie d'enfants, qui, faute de scolarité, sont utilisés par leurs parents pour d'autres tâches, comme la mendicité dans les lieux publics, par exemple. «Aucun dispositif n'est mis en place pour que le migrant bénéficie d'un statut de réfugié, dans la mesure où le statut de réfugié est une forme de protection. Depuis la loi du 25 juin 2008, les sanctions pénales et délits de séjour illégal et d'entrée illégale sur l'ensemble du territoire sont durcies… », explicite le sociologue Mehdi Benbrahmi. La scolarisation des enfants de migrants, pour Kadour Chouicha, de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme, section d'Oran, «c'est loin d'être une préoccupation de l'Etat, mais à long terme, cela posera problème. Les apatrides sont pris au piège dans un bourbier juridique». Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et d'autres organisations, comme Nada (Algérie) et Caritas (Espagne), ont réussi à inscrire au lycée privé Descartes d'Alger une cinquantaine d'enfants de tous âges, demandeurs d'asile. Ceux qui sont en situation irrégulière n'y ont pas droit et n'auront aucune chance de l'avoir… Dans ce magma de paradoxes, des associations et des organisations de droits de l'homme, notamment à Oran, appellent des enseignants volontaires et toute personne désirant prodiguer des cours gratuits aux enfants des migrants, de s'inscrire. Une initiative noble et humaine qui pallie les carences de l'Etat dans ce cas de figure. Pour les soins, les autorités algériennes tolèrent, pour ne pas dire assurent, une prise en charge des Subsahariens, qu'ils soient enfants ou adultes. «Jusqu'en 2011, ceux qui étaient noirs de peau, avaient du mal à avoir accès aux hôpitaux. Les agents d'accueil ou de sécurité demandaient à voir les papiers d'identité. Sans papiers, la police était appelée. Cela ne concernait pas les Syriens ou les Irakiens», selon Médecins du monde, propos corroborés par des médecins et des infirmiers. «Aujourd'hui, l'accès à la santé est possible et peu cher, comme pour les Algériens», ajoute l'ONG précitée. Cela n'a été possible que grâce à une grande mobilisation des associations locales, qui ont effectué un grand travail de sensibilisation au niveau des hôpitaux, centres de santé et dans les quartiers. D'ailleurs, les Subsahariennes n'ont aucun mal à accoucher dans les hôpitaux publics et leurs nouveau-nés inscrits dans les mairies. Une naissance heureuse, mais un avenir sombre pour ces enfants, qui n'auront droit ni à l'école, encore moins à une résidence. En fait, naître… pour ne pas exister juridiquement !