L'heure actuelle, les principes fondamentaux énoncés dans la nouvelle architecture institutionnelle n'ont pas encore pris forme dans des lois organiques. Une année après son adoption, la révision de la Loi fondamentale devant ouvrir une époque nouvelle dans la vie politique nationale n'a pas fait bouger sérieusement les lignes. Les quelques avancées consignées dans le texte constitutif n'ont pas connu une traduction concrète sur le terrain. Les champs d'expression politique et sociale restent soumis à l'enfer de la répression. Le formalisme constitutionnel est vite rattrapé par la réalité des pouvoirs effectifs qui souvent agissent au mépris des textes. Ce sont les règles non inscrites sur le marbre de la Constitution qui font la norme. Pour le moment, les principes fondamentaux énoncés dans la nouvelle architecture institutionnelle n'ont pas encore pris forme dans des lois organiques. Cela est-il dû à la lenteur du processus juridique ? Non, répondent les spécialistes du droit. Spécialiste du droit constitutionnel, Fatiha Benabou affirme clairement que la Constitution est «directement applicable dès sa promulgation», mais cela dépendra de la volonté politique des décideurs de mettre en œuvre effective des dispositions contenues dans la Loi fondamentale. «Force est de constater qu'une année après son entrée en vigueur, cette volonté politique fait défaut. Mieux encore, le discours officiel est en porte-à-faux avec l'esprit de la Constitution», juge-t-elle Constitution et pratiques gouvernementales La constitutionnaliste en veut pour arguments les multiples appels des responsables politiques pour la reconduction de Abdelaziz Bouteflika pour un 5e mandat, alors que la Constitution consacre la limitation des mandats présidentiels à deux seulement. Sur bien d'autres sujets également, l'esprit de la Constitution est contrarié par le discours et la pratique gouvernementaux. Au chapitre de l'exercice du droit politique et du rôle de l'opposition, les entraves se renforcent. L'organe contre la corruption installé La menace agitée par le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales contre des partis politiques qui boycottent les consultations électorales en est l'illustration parfaite. L'opposition parlementaire reste confinée et étouffée dans un coin exigu de l'Assemblée nationale. Laquelle Assemblée est totalement soumise au pouvoir exécutif, piétinant ainsi le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs. Concernant les libertés individuelles et collectives et la protection des droits de l'homme, la situation demeure nettement en deçà des attentes. En la matière, la Loi fondamentale reste lettre morte. Et parmi la foultitude des Conseils nationaux prévus dans la nouvelle Constitution, seul celui de l'organe de prévention et de lutte contre la corruption est installé, mais sans pouvoir mettre un terme au phénomène de la corruption qui est visiblement constitutif de l'ADN du système du pouvoir. Le Conseil des droits de l'homme, le Conseil supérieur de la jeunesse attendent toujours. Tout comme l'Académie algérienne de la langue amazighe. Elle est suspendue à la promulgation d'une loi organique fixant ses modalités pratiques. En somme, un gouffre infranchissable sépare les grandes proclamations et professions de foi des réalités vécues. L'accumulation de l'exercice autoritaire du pouvoir est devenu par la loi de la force la norme et la pratique. La Constitution et les lois qui en découlent servent d'habillage juridique, donnant au pays une façade institutionnelle et une norme juridique à l'Etat.