Une enquête réalisée durant les quatre premiers mois de l'année en cours a montré que 12,66% des détenus âgés entre 18 et 30 ans s'adonnent à la drogue alors que la majorité d'entre eux n'ont pas été condamnés pour trafic de stupéfiants. Pour débattre des causes de ce constat amer et des moyens d'une prise en charge à la hauteur de la gravité de la situation, la direction générale de l'administration pénitentiaire, avec la collaboration du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), a organisé un séminaire dont les travaux ont été ouverts hier avec la participation d'experts belges et français ainsi que des spécialistes de la santé mentale, des juges d'application des peines, des magistrats et des cadres du secteur. Lors de son intervention, le directeur général de l'administration pénitentiaire, Mokhtar Fellioune, a mis en exergue l'importance d'une « prise en charge particulière » des détenus toxicomanes, qu'ils soient occasionnels ou pas. « Les moyens utilisés pour la désintoxication et le traitement des effets psychologiques de la drogue, que ce soit au sein des centres de santé pénitentiaires et dans les cas extrêmes dans les hôpitaux et les centres spécialisés au nombre de trois, restent très insuffisants. Il est donc nécessaire de trouver d'autres méthodes et moyens pour éviter que les jeunes ne tombent dans le piège de la drogue », a déclaré M. Fellioune qui a révélé qu'en 2002, la justice a traité 8022 affaires liées à la drogue, dans lesquelles 11393 personnes étaient impliquées, dont 4345 sont âgées entre 18 et 35 ans. En 2004, le nombre de ces affaires, a-t-il ajouté, a atteint 8771, impliquant 12996 personnes, dont 5095 âgées entre 18 et 35 ans. Des chiffres qui démontrent que la drogue touche surtout les jeunes, notamment des milieux défavorisés. Plus explicite, M. Bouchenafa, directeur au sein de l'administration pénitentiaire, a fait état des résultats d'une enquête réalisée cette année au niveau de 101 prisons. Ainsi, a-t-il révélé, sur les 47 478 détenus interrogés, 6015 ont déclaré être des consommateurs, ce qui représente 12,66% de la population carcérale. Ceux âgés entre 18 et 35 ans constituent 53,88% des drogués, suivis des plus de 40 ans, avec 43% des cas, puis des 28-40 ans, de 25,74% des cas, et enfin des moins de 18 ans, avec 1,95% des cas. Le niveau scolaire des toxicomanes est révélateur. Ainsi, 40,42% ont un niveau d'étude moyen(CEM), 39,88% primaire, 10,96% secondaire et seulement 0,87% ont un niveau universitaire. Ce qui démontre que la déperdition scolaire joue un rôle important dans la consommation de la drogue. Pour ce qui est de la situation familiale, les célibataires représentent la catégorie la plus importante des drogués avec 77,24% des cas. La pauvreté, un facteur déclenchant Les jeunes mariés sans enfant viennent en deuxième position avec 12,43% des cas, alors que les pères de famille ne constituent que 5,7% des cas. L'enquête a montré aussi que 44,42% des drogués viennent des grandes villes, 40% des petites villes et 15,58% des zones rurales. Pour ce qui est des motifs de leur incarcération, 54,24% ont été condamnés pour vol qualifié, 23,31% pour commerce et consommation de drogue, 12,54% pour coups et blessures, 6,61% pour homicide et 3,74% pour attentat à la pudeur. Les peines qu'ils purgent sont pour 52,56% des cas comprises entre 1 et 5 ans, pour 27,42% moins d'un an, pour 14,25% entre 5 et 10 ans et pour 5,95% plus de 10 ans. Les enquêteurs ont révélé, par ailleurs, que 56,69% des détenus drogués consomment les psychotropes, 37,3% fument le haschich, 1,32% la cocaïne et 1,94% utilisent les injections. Les consommateurs irréguliers (non dépendants) constituent 61,85% des drogués. Par ailleurs, 87,61% des détenus toxicomanes ont reconnu avoir commencé à se droguer avant leur incarcération, et 10,5% après leur sortie de prison, alors que seulement 2,33% durant leur incarcération. Les causes du recours aux stupéfiants sont multiples. Néanmoins, 48,07% des détenus ont affirmé que les problèmes de pauvreté et de chômage les ont poussés vers la drogue. Les problèmes de famille (divorce, décès etc.) constituent 28,96% des facteurs déclenchants. Les conséquences de la consommation des stupéfiants se résument dans 67,26% des cas à des perturbations dans le sommeil et dans le comportement, 31,57% à des altercations verbales brutales avec autrui, 24,93% à des violences à l'égard d'autrui. Les détenus toxicomanes ont affirmé dans 54,48% des cas s'être procuré la drogue auprès des médecins, dans 34,97% des cas auprès des psychiatres et dans 10,97% des cas auprès des psychologues. La prise en charge se fait dans 94% des cas auprès des psychologues et dans 57% auprès des psychiatres. Il est également signalé que 69,34% des détenus drogués ont affirmé n'avoir pas suivi de traitement avant leur incarcération, contre 30,64% qui ont bénéficié d'un traitement. Enfin les spécialistes ont relevé que 84,92% des détenus interrogés ont expliqué le recours à la drogue par une fuite des problèmes, alors que 14,95% des cas ont plutôt estimé que c'est beaucoup plus pour se montrer et frimer. Ce qui est important par contre, c'est le fait que 54,11% des détenus malades veulent arrêter la drogue, contre 45,89% qui refusent de suivre une cure de désintoxication. Durant cette première journée des travaux, le représentant de l'Office national de lutte contre la drogue, M. Kacimi, a fait état des objectifs de cet organisme dans un contexte mondial qui privilégie aujourd'hui la prévention à la lutte. La drogue représente un gain annuel de 500 milliards de dollars, le premier chiffre d'affaires avant celui de l'armement et du pétrole. « Ce qui rend la lutte très difficile », a-t-il déclaré, d'autant que les pays ne lui consacrent que 500 millions de dollars par an. L'expertise en matière de prise en charge des mineurs a été également exposée, alors que quatre ateliers se sont consacrés aux causes de la délinquance juvénile et le recours à la drogue, la prise en charge des toxicomanes dans les établissements pénitentiaires et enfin les moyens et mécanismes de réinsertion sociale.