De l'avis des spécialistes et des intervenants dans la gestion des établissements pénitentiaires, les conditions de détention dans les prisons algériennes restent très loin des normes internationales et portent souvent atteinte à la dignité humaine. Les maladies mentales et la toxicomanie se propagent. Dans une récente étude réalisée par l'administration pénitentiaire dans 68 (sur 120) centres de détention, il a été noté « l'existence de rares cas de détenus atteints de troubles neuropsychologiques et de toxicomanie dans 15 centres de détention, alors que dans 53 établissements, il a été enregistré un nombre important de cas de toxicomanie en premier lieu suivi de troubles neuropsychologiques ». Les praticiens et psychologues des établissements pénitentiaires qui ont travaillé sur le sujet ont trouvé que les détenus masculins, célibataires âgés entre 18 et 35 ans, sont les plus touchés par ce phénomène et les troubles psychiques les plus fréquents sont l'angoisse, l'irritabilité, l'insomnie, la dépression et les troubles du comportement. Les troubles neurologiques se manifestent en général par des crises d'épilepsie, alors que ceux dits psychotiques se révèlent par la schizophrénie. Les produits toxicomanogènes utilisés par les détenus sont l'alcool, les tranquillisants, le cannabis, les solvants (essence ou colle), les drogues dures (cocaïne, morphine et héroïne) ou le tabac. Il est important de signaler, ont révélé les auteurs de cette étude, que le facteur commun entre toute cette frange de détenus touchés par les troubles neuropsychologiques et les toxicomanies se résume aux problèmes familiaux, au niveau scolaire assez bas, au chômage, à la pauvreté et à la délinquance. Ils ont pour la plupart d'entre eux été incarcérés pour consommation ou trafic de drogue, vol et infraction pour vol, coups et blessures volontaires et homicides. Dans leur conclusion, les professionnels de la santé mentale ont appelé d'abord au recrutement de psychologues, de médecins psychiatres et d'assistantes sociales, à la création de cadres spécifiques au milieu carcéral pour la prise en charge des détenus atteints de troubles mentaux ou de toxicomanie et enfin, la sensibilisation des corps des magistrats et du secteur pénitentiaire sur ces deux affections pour une meilleure lutte contre le fléau du trafic et de la consommation des drogues qui reste, selon eux, à l'origine de la petite criminalité. En effet, les statistiques de l'administration pénitentiaire relatives au nombre de détenus condamnés pour usage et trafic de stupéfiants sont révélatrices. Ce nombre est passé de 4635 détenus en 2001 à 4309 en 2003 pour atteindre 3721 en 2003. Ce chiffre, qui semble être décroissant, cache une réalité alarmante. En effet, en 2001, en étudiant ces chiffres, nous remarquons que le nombre des détenus a progressé d'année en année puisqu'il est passé de 2824 en 2001 à 2 568 en 2002 et a atteint les 2216 en 2003. Les accusés, quant à eux, étaient au nombre de 814 en 2001 et sont passés en 2002 à 1741 et en 2003 à 1505. Cette étude montre que les détenus incarcérés pour trafic de drogue sont les plus nombreux avec 2078 cas, contre 1584 cas de consommateurs, sur un total de 3662 prisonniers. Face à cette situation, et dans le but d'améliorer les condition de détention et de prendre en charge la santé mentale des détenus, un projet de réalisations de prisons modernes répondant aux normes universelles de détention et de sécurité a été présenté pour étude au gouvernement. C'est ce qu'a déclaré à Ghardaïa le directeur général de la gestion des prisons et centres de redressement, en marge d'une rencontre régionale sur la réforme pénitentiaire à Ghardaïa. Cette rencontre, à laquelle ont pris part de nombreux professionnels du secteur pénitentiaire, notamment des magistrats, des directeurs de prison, des juges d'applications des peines ainsi que des représentants du mouvement associatif, notamment les scouts, le Croissant-Rouge algérien, l'association Ikraa et l'association Amal. Le responsable de l'administration pénitentiaire a reconnu, par ailleurs, que 75 grands établissements pénitentiaires existant en Algérie ont été construits avant 1900 et se trouvent dans un état de vétusté avancé. Situation qui affecte la santé des détenus et rend les conditions de détention assez pénibles. Depuis 2000, le gouvernement ne cesse de promettre la fermeture de ces centres, notamment ceux de Barberousse et de Lambèse, mais à ce jour tous les projets de construction de nouvelles structures, pour parer à la surpopulation carcérale, piétinent. Une situation qui a poussé d'ailleurs à l'éclatement, ces dernières années, d'une série de mutineries qui se sont soldées par la mort d'au moins une cinquantaine de détenus et qui ont causé des blessures à autant d'autres. La commission de réforme de la justice, dirigée par Mohand Issaâd, a appelé en 2000 à une humanisation des prisons par une profonde réforme pénitentiaire. Une réforme qui, quatre années plus tard, attend toujours d'être engagée...