Respect de la mémoire des morts et pas de demande du pardon au peuple algérien pour les crimes commis par le colonialisme français. C'est du moins ce qui ressort des déclarations du ministre de l'Intérieur français, Nicolas Sarkozy, à l'occasion de la première journée de sa visite en Algérie. Une visite entamée hier et qui prendra fin aujourd'hui. Reconnaissant les injustices et les souffrances causées par le système colonial français en Algérie, le ministre français n'a pas prononcé un mot concernant la demande algérienne relative à la reconnaissance des crimes coloniaux et la demande officielle du pardon aux Algériens. Aux journalistes qui l'ont harcelé de questions sur ce sujet, Nicolas Sarkozy a préféré parler de « blessures et de souffrances communes ». « Ce n'est pas faire injure au souvenir des morts que de dire que le système colonial est injuste et a fait beaucoup de souffrances et qu'à côté il y a des hommes et des femmes quelles que soient leurs origines qui ont également été victimes de cette injustice. Il n'y a pas de douleurs que d'un seul côté, mais des deux côtés », a-t-il déclaré. Pour l'officiel français, le respect de la mémoire et de l'histoire communes devra se faire dans les deux pays et par les deux parties. « Nous devons cheminer des deux côtés de la Méditerranée vers l'apaisement et vers l'avenir commun. Il faut se garder des phrases qui blessent, d'initiatives qui blessent et essayer de se comprendre et c'est ce que je suis venu faire », a-t-il déclaré. En affirmant être venu « en ami » et que « l'amitié entre les deux pays est importante », Nicolas Sarkozy a reconnu, toutefois, l'existence « de problèmes » auxquels les responsables algériens et français devront trouver des solutions. Mais sans expliquer la nature de ces problèmes. C'était devant le monument, où il a marqué sa première halte pour se recueillir, en compagnie de son homologue algérien Yazid Zerhouni, à la mémoire des martyrs algériens. « Je suis venu en ami pour trouver des solutions aux différents problèmes auxquels nous nous sommes retrouvés confrontés », a-t-il souligné avant de prendre à nouveau la voiture pour se rendre au cimetière chrétien et juif de Saint Eugène en passant par Alger-centre. Esquivant les questions concernant la signature compromise du traité d'amitié algéro-français, Sarkozy insiste sur la poursuite des efforts communs pour la consolidation des relations entre les deux pays. Une consolidation qui passera, selon lui, « par des gestes politiques forts ». « Je pense que si on veut voir l'avenir en commun, il ne faut pas ajouter d'autres humiliations à tant d'humiliations des deux côtés. Je crois surtout qu'il faut faire des signes, donner des gestes », a-t-il lancé omettant sciemment de parler de la loi française du 25 février 2005. Une loi glorifiant le colonialisme et qui a été proposée et votée par l'UMP que dirige Sarkozy. Pour ce dernier, le premier geste a été déjà fait en allant se recueillir à la mémoire des martyrs algériens devant le monument. Après une virée à la basilique de Notre-Dame d'Afrique, Sarkozy est revenu au palais du gouvernement où il s'est entretenu avec le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem. Contrairement au ministre français qui a refusé de s'exprimer sur le sujet, son homologue algérien a affirmé que le moment n'est pas propice pour la signature du traité d'amitié. « Je crois, et c'est mon avis personnel, que compte tenu des contingences actuelles, le moment n'est pas favorable pour signer le traité d'amitié entre l'Algérie et la France », a déclaré M. Zerhouni à la presse, à l'issue des entretiens qu'il a eus avec Nicolas Sarkozy. Zerhouni a précisé qu'il y a encore des efforts à consentir en vue de créer un consensus, le plus large possible. Que ce soit chez les autorités algériennes ou chez les responsables français il n'y a que le réalisme qui compte. Il faut construire cette amitié et ne pas la décréter. « Il vaut mieux encore construire cette amitié et la construire par la réalité quotidienne. Le traité d'amitié pourrait venir à ce moment-là couronner et confirmer une situation », a renchéri Zerhouni. Pour sa part, Sarkozy a annoncé la décision de son gouvernement d'assouplir les procédures d'obtention des visas normaux pour les ressortissants algériens. Le représentant du gouvernement français a indiqué qu'il avait obtenu la suppression de la consultation européenne préalable pour les visas normaux en faveur des Algériens. Il a ajouté que les Européens ont autorisé la France à supprimer l'obligation de visa pour les passeports diplomatiques.