Le passé colonial de la France en Algérie est un lourd héritage que les dirigeants actuels sont appelés à assumer de l'autre côté de la Méditerranée. Les deux jours de la visite de Nicolas Sarkozy en Algérie, du 13 au 14 novembre 2006, ont été l'occasion de relancer le débat sur la nature des relations entretenues jusque-là entre les deux pays. Les perspectives d'un «avenir commun» préoccupent les politiques des deux rives de la Méditerranée qui usent de formules toutes trouvées pour ne pas tourner le dos à une réalité admise ici et outre-mer sur la nécessité de tisser des relations privilégiées dans l'intérêt des deux peuples. Des peuples, faut-il le rappeler, qui partagent, certes, une période commune de l'histoire, faite de souffrances subies plus par les uns que par les autres qui sont, dans bon nombre de cas bourreaux et responsables. Le passé colonial de la France en Algérie est un lourd héritage que les dirigeants actuels sont appelés à assumer de l'autre côté de la Méditerranée. Mais nullement dans le sens de la loi du 23 février qui trouve des aspects positifs à la barbarie et à la «martyrisation» de toute une nation. Le travail de mémoire est un passage obligé pour tout projet en commun. La condamnation des actes commis sous le sceau de la colonisation et le pardon à demander au peuple algérien représentent beaucoup de choses pour les Algériens. En premier lieu, ces gestes hautement symboliques sont une inclinaison et une reconnaissance devant les sacrifices consentis par des pans entiers de la société algérienne et des amis du mouvement de Libération nationale, qu'on peut aisément retrouver dans l'autre camp. Cette revendication est, paradoxalement à son attitude envers l'Algérie, portée à bras-le-corps par la France officielle qui se mobilise pour le «dossier arménien», qu'elle classe par la force de ses lois dans la case des crimes impardonnables commis par la Turquie. Ce que fait la France pour le «génocide arménien», elle le refuse de se l'appliquer à elle-même et admettre le génocide du peuple algérien. Par contre, les Français ne s'offusquent point à l'idée de la glorification d'une période noire de l'histoire de la France, à savoir, le colonialisme. Ce débat de fond, sans lequel rien de concret et de sincère ne peut être construit, a été évacué de l'ordre du jour de la visite officielle de celui qui s'annonce comme le futur candidat aux prochaines élections françaises. Nicolas Sarkozy savait, en faisant ce voyage à Alger, qu'il se trouvait en terrain marécageux. Et la meilleure manière d'éviter un «clash» était de donner à sa visite un cachet opérationnel avec, en sus, des accords de coopération multiformes. De son côté, le président algérien a évité d'indisposer son invité qu'il a tenu à recevoir en «tant qu'ami et ministre de l'Intérieur». Le chef de l'Etat algérien s'est même refusé à aborder les deux sujets tabous des relations franco-algériennes: la repentance de la France de son passé colonial en Algérie et la signature d'un traité d'amitié entre les deux pays. «Parce que j'ai une opinion et que je ne voulais pas que mon opinion puisse engager mon ami Nicolas Sarkozy», a commenté le président algérien qui a, plusieurs fois, interpellé, dans ses discours, la France sur le «génocide culturel» perpétré en Algérie entre 1830 et 1962.