Même si le combat pour l'émancipation de la femme a pu engranger des acquis considérables au fil des années, le statut de celle-ci demeure néanmoins en deçà de celui de la citoyenneté à part entière. Si le législateur a consenti des efforts en initiant, notamment, l'obligation des quotas s'agissant de la représentation politique, les verrous consacrés par le code de la famille se posent encore comme un obstacle à l'égalité entre les deux sexes. La société en général reste, par ailleurs, peu réceptive à l'exigence du changement des mentalités. Plus de cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie, elles se décident enfin à témoigner de leur engagement contre l'occupation coloniale et pour l'avènement d'une Algérie démocratique et plurielle (dans sa pluralité ethnique, religieuse, sociale, politique). Trois femmes se confient à la réalisatrice Fatima Sissani : Eveline Lavalette -Safir, fille de colons de vieille lignée, Zoulikha Bekaddour, originaire d'une famille de Tlemcen et Alice Cherki, d'une famille judéo-berbère qui plonge ses racines dans l'Algérie millénaire. De cette parole pudique, toute de retenue et de modestie, rare de la part de femmes engagées, fortes de leurs convictions, Fatima Sissani (auteure de la langue de Zahra) en a fait un très beau film «Tes cheveux démêlés cachent une guerre de sept ans», hymne à l'engagement de femmes, à peine sorties de l'adolescence, voire encore adolescentes et qui ne se livrent à une caméra qu'au crépvwuscule de leur vie. Des femmes restées éloignées des luttes d'appareils et de clans pour le pouvoir, qui n'ont eu qu'une seule ambition : accompagner l'Algérie dans son émancipation, pour le recouvrement de sa dignité et l'affirmation de sa citoyenneté. Cette parole de femmes est précieuse, d'autant qu'elle est rare. «Pour Eveline dont c'était le premier témoignage filmé, ce n'était pas simple», relève la réalisatrice. Et d'ajouter : «Eveline parlait collectif, pour elle, la guerre était collective. Elles ont du mal à dire je. C'est toujours les hommes qui parlent de la guerre, c'est important que les femmes le fassent.» Alice Cherki et Zoulikha Bekaddour, présentes à la projection du film le 1er mars à la Société civile des auteurs multimédia (SCAM) à Paris, soulignent la difficulté pour les femmes, notamment celles qui n'ont pas été habituées à prendre la parole en public, à parler. Et Alice Cherki d'appuyer qu'il faut «encourager celles qui ont été silencées, renvoyées dans leurs foyers». Interrogée sur les raisons qui l'ont amenée à la réalisation de ce film, Fatima Sissani affirme que «la guerre d'indépendance de l'Algérie a pesé lourd dans ma famille, comme dans toutes les familles algériennes». Et que pour les besoins du film, elle a lu beaucoup de récits, de livres sur la colonisation, la torture. «La colonisation, les ségrégations, les humiliations, on les porte avec soi. C'est l'histoire des miens. J'ai la résistance en héritage, ce film m'a mise dans une histoire, une verticalité.» Fatima Sissani indique qu'il lui a fallu trois ans pour réaliser ce film , un «film sur la résistance» qu'elle dédie à Pinar Selek, écrivaine et sociologue turque, féministe engagée, antimilitariste, mobilisée dans les actions pour la paix, accusée d'avoir participé à un attentat en 1998, accusation qu'elle a toujours niée. En exil en France depuis 2009, elle continue à être harcelée par la justice de son pays. Et aussi à Djamila Amrane-Minne, moudjahida et historienne, récemment décédée, dont la contribution a été précieuse à Fatima Sissani pour réaliser son film.