Femmes dans les luttes et femmes comme enjeux des luttes ». A l'appui d'un film d'une jeune réalisatrice, Alexandra Dols, Moudjahidate, une rencontre-débat autour et avec des moudjahidate, a été organisée samedi après-midi par le centre culturel algérien à Paris. « Quelles sont les spécificités des engagements de ces femmes dans cette lutte anticolonialiste ? De quelle manière les questions liées à l'émancipation des femmes ont-elles été instrumentalisées, par qui et comment ? » Tels ont été les thèmes qui devaient nourrir le débat auquel ont pris part Djamila Amrane, historienne et moudjahida, une ancienne infirmière de la Wilaya III, Baya Outata, et d'autres moudjahidate. En présence de la réalisatrice du film et d'une universitaire, Karima Ramdani, chargée de cours et membre du Centre d'études féminines et du Labo genre du Cnrs qui a fait une communication sur l'émancipation des femmes algériennes avant 1954. Effleurées, ces questions restent encore ouvertes, bien que Djamila Amrane ait apporté de précieux éléments de réponse dans son travail de recherche. Les moudjahidate racontent leur engagement, les conditions dans lesquelles elles se sont retrouvées à transporter des documents, des armes démontées, des bombes, à prendre le maquis où elles ont été majoritairement infirmières ; les rapports avec les frères, la vie dans les prisons. « La guerre éclate, elle envahit tout le territoire algérien, les femmes se retrouvent face à une situation où elles peuvent agir, et elles agissent ». « J'étais une gamine, j'avais 17 ans, j'assistais à des réunions où on discutait des objectifs à atteindre. Je me sentais prête à militer, mais je n'étais pas formée, j'étais encore une enfant », dit Djamila Amrane, née Danielle Minne. Zohra Drif : « Ils cherchaient des personnes efficaces, on s'est manifestées ». Le FLN avait demandé aux infirmières de rejoindre le maquis. Toute la promotion de 1956 de l'école d'infirmières d'Alger avait répondu à l'appel. Dans les maquis et les zones rurales le travail des infirmières allait au-delà des soins, elles avaient un rôle plus large, elles s'occupaient des problèmes familiaux du village, racontent Baya Outata et Baya Laribi, toutes deux infirmières. Autre chapitre, autres souvenirs. C'est Djamila Amrane qui parle : « Le quartier femmes, à Barberousse, où se trouvait la seule guillotine d'Algérie, était près de l'entrée. Elles entendaient tout. Toute la prison accompagnait celui qui allait à la guillotine par des youyous et des chants patriotiques. » Et elle ajoute que toutes les anciennes détenues, dont elle a recueilli les témoignages, disent que c'est leur plus mauvais souvenir, « moi j'y ai échappé, j'étais emprisonnée à Constantine, puis à Pau ». Quant à la question douloureuse de la torture, les moudjahidate n'en parlent pas, relève l'historienne Djamila Amrane. « Aucune des sœurs (qu'elle a interviewées) ne voulait en parler ». Sur les rapports avec les militants hommes, « je n'ai pas vu de mépris à l'égard des femmes. Souvent ces femmes avaient un niveau d'instruction plus élevé que celui de leurs compagnons. Dans le groupe de Zohra Drif, c'était la plus lettrée, elle était en deuxième année de droit. Elle avait rédigé des articles pour El Moudjahid ». « La fraternité estompait les différences que la société imposait entre l'homme et la femme », souligne Djamila Amrane. Elle évoque une « solidarité profonde entre détenus, entre militants, entre population et combattants. » Le régionalisme, les préjugés entre villes et régions entretenus par la puissance coloniale disparaissaient, témoignent les moudjahidate. « Notre force, c'était cette unité profonde qui était dans tout le peuple », dit Zohra Drif. Djamila Amrane : « C'est en prison qu'on a le plus parlé de la condition des femmes. Certaines évoquaient déjà le code de la famille et la nécessité de fonder des associations. » « Ce n'était pas notre objectif immédiat, on le repoussait à après l'indépendance…. On avait montré qu'on était égales. » « Il nous avait semblé que les relations qu'on avait avec nos frères de combat seraient les mêmes à l'indépendance. » « Au maquis, on risquait la mort à tout moment, on était confrontés à des problèmes énormes. On ne discute pas des problèmes comme en temps de paix ». Et à un autre moment, de rappeler qu'à la fin de la guerre qui avait duré sept ans et demi, il restait peu de moudjahidine vivants, épuisés par des conditions de vie difficiles dans les maquis. Le pouvoir a été pris par les dirigeants de l'extérieur, appuyés par une nouvelle armée, l'armée des frontières. La suite on la connaît. Et de la salle, une autre moudjahida, Zoulikha Bekadour d'ajouter : « Ce qui nous intéressait, c'était la libération de notre pays… On n'a pas fait une révolution mais une guerre de libération ». « Nous commençons maintenant à parler. C'était la clandestinité. Nous avons joué le rôle qu'ont joué les femmes françaises pendant la résistance. Dans un contexte de solidarité ».