Censé être un élément participant à l'amélioration du cadre de vie en ville, l'arbre d'ornementation chez nous est relégué au dernier rang, tant les gestionnaires de la ville tiennent très peu à le valoriser dans le tissu urbain. Dans ces premiers balbutiements printaniers, et cette convulsion joyeuse de la saison des amours, l'arbre, ce dépositaire de mythes, de valeurs, de symboles depuis la nuit des temps, ne semble pas avoir droit de cité dans nos villes. Bien qu'il soit à l'origine de nombreux contes et légendes du patrimoine et de l'imaginaire collectif, ce végétal est mal apprivoisé et la communauté ne juge pas utile de renforcer sa présence en ville. Pourtant une foultitude d'études ont montré les bienfaits de cet être vivant sur la santé humaine, de la même manière qu‘«il aide à la réduction de l'agressivité et de la criminalité. Il influe donc sur le sentiment de sécurité». Mais lorsqu'on voit la lignée – les exemples sont légion – de platanes presque centenaires qui dépérissent au fil des ans le long du boulevard Omar Lounes (ex-Flandres) à Bologhine, on éprouve ce pincement au cœur. Comment expliquer que l'unité Edeval de Bab El Oued, qui élit ses quartiers à Bhirat Marengo, mette en terre des plants chétifs pour les abandonner aussitôt. Un sevrage somme toute assassin dès lors qu'on tourne le dos à de jeunes pousses qui ont besoin de suivi et d'entretien en permanence. A l'occasion des passages de cortèges officiels vers Notre Dame d'Afrique, des contingents d'agents de l'Edeval sont affectés pour faire semblant de biner la terre au milieu de laquelle le platane est rabougri, à défaut d'exister. Mais on préfère pousser le ridicule jusqu'à le rendre vaudevillesque. «Mais monsieur, vous devez mettre en terre un plant avant de retourner la terre», interroge une dame de passage. «Je sais chère madame, mais moi, j'ai eu l'ordre d'ameublir cette portion de terre même si le platane a rendu l'âme, car une délégation ne va pas tarder à passer.» A défaut de boisement, on s'attelle à jeter de la cendre aux yeux ! Ainsi, des dizaines de platanes bordant ledit boulevard sont dans un état de décrépitude avancé, à cause d'une absence criante d'entretien et de traitement approprié. L'Edeval, Epic chargé d'être au chevet de ces êtres vivants, semble aux abonnés absents. «L'opération de mise en terre, il y a trois ans, de jeunes plants, le long de ce boulevard qui s'étire sur 600 mètres, n'a pas donné ses fruits, car les services dudit établissement de wilaya n'ont pas jugé utile d'être aux petits soins de ce végétal, voire l'aider à se régénérer», disent, outrés, des riverains, soulignant par ailleurs qu'à «chaque fois que des plants de cette espèce sont mis en terre, ils sont aussitôt livrés à leur triste sort». Résultat des courses, ces êtres vivants finissent pas se dessécher. Dans la foulée, il n'est pas superflu de relever que beaucoup d'arbres dans notre milieu urbain sont souffreteux et deviennent rachitiques, car leurs racines se trouvent prisonnières du bitume. A croire qu'un traitement adéquat de ce végétal est synonyme de corvée pour les gestionnaires de la ville. Cela, sans compter les arbres d'ornement bordant certaines allées qui sont fauchés sans que les gestionnaires de la cité daignent les remplacer, préférant se mettre en porte-à-faux avec la sagesse du biologiste Théodore Monod, «l'arbre en ville est porteur de messages et devrait inspirer le respect de la vie».