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Comment le Palais a inversé le rapport de force avec les islamistes
Maroc
Publié dans El Watan le 31 - 03 - 2017

C'est une crise politique sans précédent que vient de traverser le Maroc en restant cinq mois sans gouvernement. Mais le Palais a finalement réussi à freiner l'influence du PJD au Parlement.
Amener Benkirane au bout de ses limites et le remplacer
Abdelilah Benkirane, 63 ans, secrétaire général du Parti justice et développement (PJD), parti qui a remporté les élections législatives le 7 octobre 2016, avait été désigné par le roi – comme le veut la Constitution qui impose de choisir un Premier ministre au sein du parti arrivé en tête des élections – une nouvelle fois chef de gouvernement, et à ce titre, il avait à l'époque dix jours pour former un nouveau gouvernement de coalition. Mais il n'y est pas parvenu et malgré les rappels du roi et des négociations sans résultat, Mohammed VI a décidé, fin mars, de le limoger et de nommer un successeur : Saad-Eddine El Othmani.
Placer en face de lui un proche capable de lui tenir tête
Si les négociations pour former une coalition ont échoué, c'est en grande partie en raison des forces en présence, dont une partie téléguidée par le Palais. Le blocage a souvent été imputé, en tout cas, à Aziz Akhannouch. Le président du Rassemblement national des indépendants (RNI), ministre de l'Agriculture et homme d'affaires, patron du plus grand groupe de presse, milliardaire, qui s'affiche aux côtés de Mohammed VI, avait été élu nouveau président de sa formation en octobre 2016 – largement poussé par le roi pour gêner Benkirane, selon les experts marocains. Akhannouch posait notamment comme condition que ses alliés, en particulier l'Union socialiste des forces populaires (USFP), rejoignent le gouvernement avec lui, ce que Benkirane n'a jamais accepté. La mission d'Akhannouch était claire depuis le début : mettre au point un bloc avec notamment l'USFP, les libéraux de l'Union constitutionnelle (UC) et le Mouvement populaire (MPE) capable de faire contrepoids au PJD au Parlement.
Lui trouver un remplaçant plus consensuel
A 61 ans, Saad-Eddine El Othmani, le n° 2 du PJD, navigue depuis sa jeunesse dans les mouvements islamistes, en particulier le PJD des origines, à l'époque où il ne s'appelait encore que le Mouvement populaire démocratique et constitutionnel (MPDC). Cet ex-médecin généraliste et ex-psychiatre, licencié en droit, aussi titulaire d'un magistère en loi islamique, a notamment participé à la création de la Jamaâ Islamiya, mouvement politique proche des Frères musulmans. En tant qu'idéologue, il a beaucoup contribué à ce que les islamistes participent au jeu politique et à normaliser l'image du PJD, montré du doigt après les attentats de Casablanca en 2003. Sa réputation d'islamiste modéré (il se dit ouvert à la discussion sur des sujets comme l'avortement ou la liberté de culte) et son caractère consensuel font qu'il est souvent présenté comme l'inverse de Benkirane, que les proches qualifient de plus «têtu» mais aussi de plus «stratégique».

Assurer au Parlement un bloc capable de bloquer le PJD
Avec 125 sièges pour le PJD sur 395, l'enjeu pour Benkirane, et après lui Othmani, était de former une coalition pour atteindre la majorité absolue au Parlement. Allié aux ex-communistes du Parti du progrès et du socialisme (PPS) et bénéficiant du soutien du parti historique de l'Istiqlal (nationalistes de droite), Abdelilah Benkirane devait convaincre plusieurs petits partis de notables de rejoindre sa majorité. Son rival, le Parti authenticité et modernité (PAM), arrivé second aux élections, excluait de son côté de participer à un gouvernement dirigé par le PJD. Othmani a réussi à former une majorité mais n'a pas eu d'autre choix que d'intégrer l'USFP. Du coup, si le PAM s'allie au bloc RNI-UC-MP-USFP de la majorité (soit 206 sièges), il pourrait s'opposer aux décisions du PJD (125 sièges).


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