En cette fin de week-end, vous pouvez fort bien imaginer un circuit pour visiter quelques-unes des expositions qui essaiment à Alger. Au Centre d'art contemporain d'El Achour, le plasticien Ammar Bouras propose une série de photographies, vidéos et volumes sous le titre «24°3'55''N-5°3'23''E». Une exposition parfaitement agencée et maîtrisée, qui aborde les essais nucléaires français en Algérie à travers les effets de la première bombe au plutonium à In Ekker, le 1er mai 1962. Il vient nous rappeler que l'art contemporain, le vrai, n'est pas un exercice superflu et que l'esthétique peut traiter de questions graves et profondes. Et qu'elle le doit même. A la galerie Sirius, au Télemly, Valentina Ghanem, au talent toujours impeccable, expose des tableaux qu'elle a réalisés depuis quelque temps déjà, mais qui ne risquaient pas d'être dépassés puisqu'ils s'affirment honnêtement rétros : une plongée magnifique dans le monde cosmopolite de la musique. La qualité des œuvres resplendit dans la recherche des formes et la subtilité des couleurs et l'on sent qu'elle écoutait de la musique pour la mettre en scène sur ses toiles, restituant visuellement la vibration des notes. Elle vient nous rappeler que les sujets les plus simples ne sont jamais vains quand l'art est le premier sujet. A la galerie Ezzou'Art, l'atelier Soupçons d'Art est venu déverser l'enthousiasme de ses créations en céramique. Les pièces du trio composé des sœurs Merzouk, Rachida et Samia, et de Karim Sergoua, déclinent de maintes manières la combinaison exponentielle de l'art et de l'utilité. Celle qui a fondé l'âme de l'artisanat à ses origines et fonde dans les temps présents la démarche du design. Luminaires, ustensiles, objets de décoration, etc. se déploient dans une inventivité sensible et joyeuse. Ces artistes viennent nous rappeler que le patrimoine n'est jamais perdu, mais qu'il ne peut être sauvegardé que dans ses formes historiques ou, comme ils le font, dans une re-création. A Dar Abdellatif, au Bois des Arcades, notre confrère Le Hic, alias Hichem Baba Ahmed, présente une trentaine de dessins avec la pertinence de sa subtilité ou la subtilité de son impertinence. Une intervention en ouverture de résidences de création de l'AARC sur le thème «Egalité hommes-femmes». Dans ce programme, élaboré par le gouvernement algérien et ONU-Femmes en partenariat avec le ministère de la culture, Le Hic perturbe le décor de cette demeure ottomane conçue pour la beauté et… la misogynie. Il vient nous rappeler que les bonnes causes ne peuvent se passer de l'humour. Mea-culpa : nous avons raté «Fragments d'un songe équestre» de Leïla Boutamine à la galerie El Yasmine, ainsi que l'exposition de la galerie Dar El Kenz où Bourdine, Djeffel, Guitta, Oulhaci et le sculpteur Bensaïd montrent leurs œuvres récentes. Et d'autres expositions encore ! Cette frustration vient nous rappeler qu'il est quand même heureux qu'il y ait assez d'espaces et de créations pour que nous puissions en manquer. Elle vient nous rappeler aussi de vous rappeler d'aller visiter les galeries pour votre probable bonheur et, certainement, celui des artistes. Si vous ne soutenez pas l'art par votre présence, comment vous plaindre après que l'art ne soit pas plus présent dans notre société ?