C'est sous le thème « Eaux usées» qu'a été célébrée, mercredi 22 mars, la journée mondiale de l'eau. Une problématique à laquelle des solutions urgentes doivent être trouvées, surtout lorsqu'on sait que plus de 80% des eaux usées évacuées dans la nature sont non traitées, mettant, ainsi, en danger des millions de vies humaines et menaçant sérieusement l'équilibre, déjà fragile, des écosystèmes, aquatique en particulier. Raison pour laquelle l'ONU-Eau et le Programme mondial d'évaluation des ressources en eau de l'Unesco ont, dans leur rapport annuel mondial 2017, intitulé «Les eaux usées, une ressource inexploitée», sensibilisé la communauté internationale de la nécessité de limiter le déversement d'eaux usées non traitées dans l'environnement pour permettre non seulement d'«épargner des vies et de renforcer les écosystèmes sains, mais de contribuer aussi à une croissance durable». Car, qu'il s'agisse de l'irrigation, des activités industrielles ou de l'eau potable, les eaux usées traitées peuvent constituer une autre source d'eau rentable, durable, sûre et fiable dans un contexte qui plus est, particulièrement marqué par une sérieuse pénurie d'eau, souligne-t-on dans le document onusien qui fait état de 663 millions de personnes ne disposant toujours pas d'une source améliorée d'eau potable et d'une demande mondiale en la matière, appelée à bondir de 50% d'ici à 2030. Echéance au cours de laquelle devraient, justement, être atteints les 17 Objectifs du programme onusien de développement durable et l'accès à l'eau potable et à des services d'assainissement en constitue l'un des axes communs pour sa mise en œuvre car «essentiel aux droits de l'homme, ainsi qu'à la dignité et la survie des femmes et des hommes à travers le monde, en particulier les plus défavorisés». Utilisation durable des ressources Se doter de systèmes de gestion des eaux usées plus efficaces et en replacer la collecte et le traitement au cœur d'une économie circulaire, conciliant développement économique et utilisation durable des ressources, c'est ce à quoi sont, par conséquent, invités les gouvernements des pays à faible revenu où à peine 8% des eaux usées sont recyclées contre 70% dans les pays à haut revenu, en vue d'atteindre un équilibre entre le développement et la protection et l'exploitation durable des ressources naturelles. Et les avantages susceptibles d'en découler sont multiples et variés aussi bien pour la sécurité alimentaire et énergétique que pour accroître la résistance aux effets du changement climatique : «Chacun doit faire sa part pour atteindre l'Objectif de développement durable consistant à diviser par deux le niveau des eaux usées non traitées et promouvoir la réutilisation d'une eau sûre d'ici 2030», insistent, en effet, les auteurs du rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau en 2017. A les en croire, l'eau recyclée, cette ressource encore largement sous-exploitée, peut être réutilisée de très nombreuses fois ; «aux Etats-Unis, par exemple, on estime que l'eau des plus grands fleuves qui traversent le pays a été utilisée vingt fois avant d'atteindre la mer». Mieux encore, les eaux usées constituent, d'après eux, un gisement potentiel de matières premières. L'évolution des techniques de traitement permet désormais de récupérer certains nutriments, comme le phosphore et les nitrates, dans les eaux d'égouts ou les boues d'épuration. 22% de la demande mondiale en phosphore pourraient être satisfaits grâce au traitement des urines et des excréments humains. Et ce, au moment où dans d'autres contrées ces eaux usées sont réutilisées, mais à des fins tout autres : l'irrigation des terres agricoles. En effet, le même rapport fait état d'au moins une cinquantaine de pays dans le monde, la plupart en Afrique, où est fortement répandue l'utilisation des eaux usées aux fins de l'irrigation, soit sur une superficie estimée à 10% de toutes les terres irriguées. Une pratique qui se heurte à des problèmes sanitaires lorsque l'eau contient des pathogènes susceptibles de contaminer les cultures, y a-t-on mis en garde. Substituer l'irrigation informelle à une utilisation planifiée et sécuritaire, comme c'est le cas en Jordanie depuis 1977 - 90% des eaux usées traitées y sont utilisées pour l'irrigation - est ce à quoi invitent les experts de l'ONU-Eau. Le secteur industriel n'est pas en reste. Au lieu de les larguer en pleine nature avec tout ce que cela suppose comme dangers pour l'homme et l'environnement, ne serait-il pas plus judicieux de réutiliser les grandes quantités, rejetées par les usines, dans les processus de refroidissement ou de chauffage, par exemple, recommandent les mêmes experts qui pronostiquent un bond de 50% que pourrait connaître le marché mondial du traitement des eaux industrielles en 2020. Qu'en est-il de l'Algérie? L'eau y est-elle gérée avec soin, celle rejetée par les ménages, les usines, les fermes et les villes y est-elle récupérée et soumise au processus de traitement ? A en croire l'Association Nationale pour la Protection de l'Environnement et la lutte contre la Pollution (ANPEP), environ 60 % des 800 millions m3, représentant le volume d'eaux usées urbains annuellement rejetées seraient traitées et c'est tant mieux. En parallèle, nos ressources en eau seraient, toutefois, exposées à d'autres dangers multiformes. Et ils proviennent surtout des villes du nord du pays, à forte croissance démographique et où se concentrent des centaines d'usines génératrices de polluants industriels hautement toxiques. En effet, toujours selon l'Anpep qui a fait de la lutte contre ce phénomène son cheval de bataille, au moins 167 millions m3 d'huiles usagées dont 10 millions askarel, auxquels s'ajoutent environ 280 millions m3 d'eaux chargées de métaux lourds, d'acides et de solvants et près de 1,2 millions de tonnes de déchets solides sont annuellement déversés dans les oueds, lacs, cours et plans d'eau, barrages et la mer,. Que faut-il de plus aux pouvoirs publics pour se rendre compte qu'ils ont sous leurs yeux tous une nuée d'indicateurs qui renseignent sur les menaces auxquelles sont exposées nos ressources en eau, la santé publique et tout l'environnement. Pourtant, les effets des polluants industriels sur l'homme, plus d'une expertise scientifique les ont établis. 1,8 milliard de personnes dans le monde utilisent une source d'eau douce contaminée. « La combinaison d'un assainissement inadéquat, d'une mauvaise hygiène et d'une eau potable peu sûre est aujourd'hui encore responsable d'un fardeau de décès annuel estimé à 2 millions suite aux maladies diarrhéiques », préviennent les experts de l'ONU-EAU et le Programme mondial d'évaluation des ressources en eau de l'Unesco dans leur tout dernier rapport conjoint. Bien avant eux, Blacksmith Institute et la Croix verte internationale ont tiré la sonnette d'alarme sur pires incidences de la pollution industrielle dans le monde. S'appuyant sur l'un des indicateurs les plus répandus à l'OMS, à savoir le « DALY - Disability-Adjusted Life Years (Années de Vie Corrigées de l'Incapacité-AVCI), qui consiste « à mesurer les années de vie en parfaite santé perdues du fait de l'exposition aux polluants industriels », les deux organisations sont parvenues à établir que 17 millions d'AVCI étaient imputables aux polluants industriels. Un impact tout aussi lourd que celui des maladies les plus dangereuses au monde, en l'occurrence, le paludisme (14 millions d'AVCI), la tuberculose (25 millions) et le sida (29 millions). Se sentant interpellés par toutes ces toutes données inquiétantes mais aussi par les interminables crimes dont sont auteurs nombre de nos industriels, peu soucieux de la santé de leurs concitoyens ainsi que de la chose écologique, une dizaine de scientifiques membres de l'Anpep ont, tout récemment, transmis aux plus hautes autorités du pays un état des lieux exhaustif sur les interminables atteintes, dévastatrices pour nos ressources hydriques. Aussi, un vaste programme de sensibilisation de cinq ans a été lancé le 22 mars, à l'occasion de la journée mondiale de l'eau. Pour atteindre les objectifs attendus de ce programme, placé sous le slogan «Le partenariat, choix stratégique pour la protection des eaux contre la pollution industrielle », l'association a fait appel à l'expertise de la cellule Environnement de la gendarmerie nationale et des services des forets ainsi qu'aux moyens humains et logistiques des directions de l'environnement/hydraulique et de l'Agence de Bassin Hydrographique Constantinois-Seybousse-Mellegue (ABH-CSM).