Des hôtels érigés sur des terres agricoles, certains à moins de 100 mètres du littoral, des milliers de commerces établis dans le cadre de coopératives immobilières, annulées par instruction gouvernementale… Comment ce « miracle » a-t-il pu se produire ? Mieux encore, à chaque contrôle, un registre de commerce dûment établi est exhibé par le propriétaire des lieux. C'est le deuxième « miracle » ! Nous voilà face à un phénomène jusque-là « insoupçonné » et relatif à l'établissement des registres de commerce qui a pris une ampleur effrayante au niveau de la corniche oranaise. « Insoupçonné », tel est le mot que personne n'ose dénoncer au risque de s'attirer la foudre ou tout simplement par complaisance. De St Roch aux Andalouses, des centaines, voire des milliers de commerces, entre hôtels, restaurants, magasins d'alimentation générale, douches publiques, hammam, boulangeries, quincailleries, points de vente de matériaux de construction et fast-food ont ouvert leurs portes dans des cités non encore régularisées sur le plan administratif. En fait, il s'agit de coopératives immobilières frappées par une décision d'annulation émanant des services gouvernementaux ou encore des domaines agricoles non concernés par le transfert des services de la DSA. A la coopérative immobilière Trouville IV où les habitations sont considérées comme « des constructions illicites », suite à l'annulation administrative de leur constitution, des commerces activent avec des documents administratifs dûment établis par les services du CNRC (chambre nationale du registre de commerce). Or, les propriétaires de ces habitations où sont créés ces locaux commerciaux ne sont détenteurs d'aucun acte administratif, exceptée « une décision d'attribution » délivrée par le président de la coopérative, sans valeur juridique ou administrative. Il faudra, en fait, revenir à la Loi 04/08 relative aux conditions des pratiques commerciales, Article 38 alinéa 1, loi par laquelle a été interdit l'établissement du contrat de gérance à une tierce personne sauf dans le cas d'un parent vertical (père ou mère) ou horizontal (épouse, enfant). Comment comprendre le processus de création de ces commerces « à la fois licites et illicites » ? Licites, car leurs propriétaires sont en possession d'un RC. Illicites parce que l'établissement de ce document doit être justifié par « l'origine de la propriété ». Or, dans ce cas précis, cet aspect fait défaut dans tous les registres établis, puisque les documents préalablement présentés dans le dossier de constitution, n'en portent aucune mention. Selon des explications qui nous ont été fournies, l'astuce est toute simple : il suffit au propriétaire de l'habitation d'établir un contrat de location notarié à l'un de ses proches (vertical ou horizontal), lequel établira le RC en son nom. Paradoxes Ce qui est encore paradoxal et énigmatique est le fait que toute demande de registre de commerce est soumise à l'aval d'une commission composée des services de la protection civile, de la DUCH , de l'APC et de l'environnement qui devront délivrer un certificat de conformité. Ainsi,pour la création d'un hammam, par exemple, les services cités doivent s'enquérir des conditions préalables, à savoir la fourniture d'un document officiel, la nature du site devant abriter l'activité commerciale, etc. En somme, une enquête préalable est nécessaire. Pourtant, plus d'une dizaine de bains activent dans cette cité. Non loin de là, au quartier Trouville, il s'agit d'une station de lavage qui s'est vue délivrer une autorisation d'exploitation, soit un registre de commerce en bonne et due forme, alors que le site est classé « résidentiel ». Inspecté par les services de la DCP, le gérant de la station sera sommé de baisser rideau pour défaut de registre de commerce, assorti d'une amende de 20 milles dinars, mais celui-ci reviendra quelques semaines après, avec le fameux document, qu'il exhibera au nez et à la barbe du responsable du service. Au cap Falcon, sur une aire inaugurée par le président de la République aux fins d'accueillir le fameux programme des 100 locaux destinés aux jeunes chômeurs de la cité, s'est établi un commerce de matériaux de construction. Celui-ci a même été saisi par les services de la DCP pour entrepôt de marchandises sur le trottoir. Comment un tel commerce a-t-il pu atterrir ici ? La question reste entière, autant que toutes les autres relatives aux différents cas cités ça et là. Dans la commune d'El Ançor, non loin du complexe des Andalouses, de somptueux ensembles hôteliers sont érigés sur des exploitations agricoles. Renseignements pris, les terres agricoles accueillant les infrastructures n'ont fait l'objet d'aucun transfert vers les services des domaines ou un quelconque autre service afin qu'elles puissent servir à une fin urbanisable. Mais là aussi, les registres de commerce sont présents. Autre cas énigmatique : l'équipement ayant bénéficié d'une licence d'exploitation dans le cadre du Calpi, alors que l'assiette est sise carrément sur un site protégé ! Tout au long de l'espace ceinturant le parking automobile situé face à l'entrée du complexe des Andalouses, des baraques en parpaing et en tôle ondulée font office de restaurants, de magasins d'alimentation et de taxiphones. Selon les services de contrôle, ces commerces sont -dans la forme- « licites » vis-à-vis de la loi, puisque leurs gérants sont détenteurs d'un registre de commerce. Dans le fond, la question est tout autre. En tout état de cause, dans un cas comme dans l'autre, la question qui se pose est la suivante : sur quelle base est établi à chaque fois le certificat de conformité, document incontournable ouvrant droit à l'établissement d'un registre de commerce ?