Plus qu'une simple classification, la nouvelle nomenclature des métiers élaborée par l'Agence nationale de l'emploi (Anem) impulse toute une stratégie dans la gestion du marché de l'emploi. Cette stratégie est basée d'abord sur la mise en adéquation des différents intervenants (entreprises, établissements de formation et demandeurs d'emploi), à travers un langage commun, une définition claire des métiers et ensuite sur une vision moderne des profils filtrés, selon les compétences et le savoir-faire du demandeur et non sur le diplôme acquis. «La nomenclature algérienne des métiers est inscrite dans la modernisation du service de l'Anem. Depuis 2006, le processus de modernisation de différents services s'inscrit dans le cadre des missions de l'Anem, entre autres le développement des nouveaux outils pour mieux gérer le marché de l'emploi», déclare Guecioueur Mourad, «expert métier» à l'agence. Selon ce dernier, la réalisation de la nomenclature est le fruit d'une collaboration franco-algérienne qui a permis d'adapter le référentiel opérationnel des métiers et emploi (ROME v3) au contexte algérien et à la législation qui gère le marché de l'emploi algérien. «C'est un travail de longue haleine qui a duré 6 ans. Nous avons donc réalisé des enquêtes par rapport aux métiers inscrits dans le ROME v3 français et voir si ces métiers sont exercés en Algérie de la même façon et s'il existe des activités supplémentaires. Ce travail est passé par une méthodologie qui consiste à effectuer trois entretiens: un entretien stratégique réalisé, soit au niveau des ministères, soit en s'adressant aux directeurs des entreprises. Là on a une vision stratégique sur le métier et son influence dans le secteur. Le deuxième entretien est hiérarchique, il concerne le DRH, responsable direct des gens exerçant le métier. Et, enfin, le troisième entretien qui se fera avec le titulaire du poste et ce, afin de cerner le métier. On prend généralement 6 entreprises (publiques, privées/moyennes, grandes et petites entreprises). Nous avons réalisé 3853 entretiens pendant 6 ans», explique l'expert, rendant ainsi compte d'un travail minutieux qui a permis finalement de réaliser la nomenclature algérienne des métiers. Employabilité Ce nouveau référentiel rend ainsi obsolète l'ancien classement qui se basait sur un système de goupe – tous les métiers existants étaient répertoriés dans 20 groupes qui contenaient un ensemble de métiers exercés. «Par exemple, dans le groupe 4, on pouvait trouver le métiers de soudeur comme on pouvait trouver celui de plombier. Et cela compliquait la réalisation de l'enquête, car les groupes étaient vagues. La nomenclature aujourd'hui permet la précision et donc, l'unification du langage. C'est-à-dire quand un employeur vient exprimer un besoin, le conseiller devra donc parler un langage professionnel tournant autour des métiers recherchés par l'employeur. Ce dernier ne se sentira ainsi pas désemparé», explique encore Guecioueur. Grâce à cette nouvelle nomenclature, un langage commun a été instauré entre l'Anem, les professionnels de l'emploi et les demandeurs d'emploi. Selon Allouache Sofiane un autre «expert métier», l'établissement de cette classification permet un changement d'approche dans l'orientation aussi bien des demandeurs d'emploi que des recruteurs. «On n'est pas dans une approche de qualification, mais dans une approche métier. On ne cherche donc plus le diplôme, mais plutôt ce que le demandeur sait faire et ce qu'il veut faire. Et cela augmente son employabilité. En s'inspirant de la nomenclature, le bachelier pourra donc élaborer au préalable un projet professionnel», précise-t-il. Mise à la disposition du grand public à travers le site : name.anem.dz, la nomenclature aidera également le demandeur d'emploi à rédiger un CV adapté et se préparer à l'entretien professionnel d'un côté, et aidera, de l'autre, l'employeur d'exprimer avec précision son offre. «En consultant le site de l'Anem, on trouvera des modes d'emploi destiné au demandeurs d'emploi ainsi qu'aux employeurs», révèle Guecioueur. Un langage commun Pour ce qui est des objectifs de la nomenclature, les chefs de projet expliquent qu'il s'agit surtout de mettre en place un langage commun et de capitaliser toutes les compétences acquises (professionnelles, universitaires) par le profil. «Cela permettra un meilleur rapprochement en ciblant uniquement les profils adéquats. C'est la professionnalisation du métier d'intermédiation», poursuit-il. D'après une responsable administrative de l'Agence, la mise en place de la nomenclature depuis 2015 a déjà donné ses fruits. «C'est une approche différente qu'on relève d'ailleurs dans nos statistiques avant et après 2015. On trouve que le nombre d'offres qu'on n'arrive pas à satisfaire a diminué. Car, dans la nomenclature on crée une mobilité professionnelle. Si on a un savoir-faire et des compétences qui n'ont rien à voir avec notre diplôme, on peut alors faire un métier que nous-même ne le savions pas. Grâce aux entretiens, ont peut alors orienter, ajuster et conseiller au demandeur d'avoir un type de formation adapté et complémentaire pour pouvoir accéder à un autre poste, même dans le cadre de promotion», s'enthousiasme-t-elle en appelant chaque citoyen à s'approprier cette nomenclature. «On a mis tous les moyens et dédié un site web. Cette nomenclature est téléchargeable et consultable. Et pour une meilleure visibilité, cette année on en a fait même une version papier», fait remarquer la responsable. Coopération Au regard de l'importance de cette démarche, l'Anem a trouvé une oreille attentive et un soutien appréciable du ministère de l'Enseignement supérieur qui devrait profiter de ce travail pour parfaire ses offres de formation. «La nomenclature a été réalisée avec la participation du ministère de l'Enseignement supérieur qui est très intéressé. Et dans le cadre d'une coopération avec la BIT, on est inscrit sur un travail pour faire de la nomenclature un outil d'orientation. Cet outil permettra plus tard de faire des fiches-métiers et de la prestation», explique-t-elle. S'agissant des fiches de postes des institutions, la responsable informe que la classification débute d'abord dans l'agence. «On commence par celle de l'Anem, mais nous avons des commandes. Le ministère des Transports nous sollicite pour répertorier les métiers du secteur, par exemple», révèle-t-elle.