Quarante-six ans après sa sortie, le film-culte de Mohamed Zinet – le seul qu'il ait réalisé – serait sur le point d'être sélectionné dans la section «Cannes Classics» du rendez-vous mondial du septième art dont ce sera la 70e édition (17-28 mai). Cette section prestigieuse hors compétition, créée en 2004, consacre des films anciens en leur conférant quasiment un statut d'œuvre du patrimoine mondial du cinéma. Nous évoquions cette sélection ici (Arts & Lettres, El Watan, 14/01/17) comme un rêve que caressait Lyes Semiane, directeur de la Cinémathèque algérienne. Au début de l'aventure, sa découverte, dans un dépôt de son institution au centre d'Alger, de boîtes rouillées de bobines qui portaient la mention difficilement lisible : «Tahia ya Didou». Quand on pense qu'il n'existait plus qu'une copie complètement usée, impossible à projeter et même à restaurer ! Le contenu des boîtes était-il récupérable ? Le ministère de la Culture a vite été convaincu qu'il fallait tenter le coup. Mais l'aventure n'a véritablement commencé que lorsque le laboratoire romain Laser Film, œuvrant pour des studios d'Hollywood et pour le cinéma chinois, a déclaré la relique récupérable. Puis, durant six mois, les archéologues italiens du cinéma, comme nous les avions qualifiés, se sont attachés à rendre au film l'éclat de sa naissance. Cette résurrection du chef-d'œuvre s'est traduite par la restauration des négatifs (bandes images et son), ce qui permettra, à l'avenir, de tirer des copies à volonté. En outre, les opérations de numérisation ont donné lieu à la production de plusieurs formats du film (DCP, DVD et Blue Ray). Cette opération exceptionnelle de restauration-numérisation a été supervisée par la Cinémathèque et domiciliée au CNCA (Centre national du cinéma algérien). L'opérateur financier n'est autre que l'ONDA (Office national des droits d'auteur) qui s'active en ce moment pour couvrir le règlement du laboratoire. Par cette contribution distinguée, l'office se retrouve parfaitement dans sa mission de soutien au patrimoine culturel national. Tout symboliquement aussi, il apporte l'appui de ses sociétaires, auteurs et interprètes, au sauvetage et à la promotion d'une œuvre à laquelle ont contribué de grandes figures disparues, comme le maître du chaâbi, Cheïkh El Anka, le peintre M'hamed Issiakhem, ou ce grand ami de l'Algérie qu'était l'écrivain français Georges Arnaud (auteur du Salaire de la peur, qui joue le rôle d'un touriste suisse dans un Alger insolite, autre titre de Tahia ya Didou. L'hommage reviendra bien sûr à Mohamed Zinet, qui inspire aujourd'hui la nouvelle génération de cinéastes, ainsi qu'au personnage central, Himoud Brahimi, dit Momo, comédien, poète et agitateur culturel. Plan final. Extérieur jour : Un quai du port de plaisance de Cannes. Momo, dans son pagne de plongeur (il était champion d'apnée), donne le dos aux yachts des princes et producteurs. Les yeux braqués sur le large il crie en direction d'Alger : «Ya Bahdjati !»