Il n'est pas rare d'entendre cette réplique de la bouche des immigrants au Canada, y compris chez les Algériens : « Je suis ici juste pour avoir le passeport canadien et pouvoir aller ailleurs dans le monde comme je veux. Même si cela me coûterait trois ans de ma vie. » Cette affirmation est encore plus accentuée chez les immigrants qui ont des difficultés à faire face aux différents obstacles barrant un accès digne au monde du travail au pays de l'érable. Ceci a abouti à une situation qui commence à irriter les politiques canadiens, particulièrement les conservateurs, au pouvoir, à Ottawa. Ainsi, selon Statistiques Canada, sur les 4 millions de personnes ayant la double citoyenneté (double nationalité), seules 500 000 vivent au Canada. Au début du mois de novembre, le ministre canadien de l'Immigration, Monte Solberg, a déclaré devant les députés fédéraux que la question de la double nationalité devait être soulevée. Certaines dispositions de la loi le permettant devraient être révisées. Au Canada, la double citoyenneté est rendue possible depuis 1977. Or, la dernière agression israélienne contre le Liban avait obligé le Canada à évacuer près de 15 000 Libanais ayant la double nationalité et dont la moitié serait revenue au pays du Cèdre après la fin des hostilités. Une opération qui a coûté quelque 63 millions de dollars canadiens, selon le ministre. « Les Canadiens veulent savoir exactement ce que signifie la citoyenneté. On ne veut pas que le Canada soit uniquement considéré comme un refuge en cas de tempête », avait déclaré Monte Solberg. « Si quelqu'un ne vit pas au Canada et n'y paie pas d'impôts il me semble que ce serait injuste pour les autres Canadiens qu'ils profitent des mêmes programmes sociaux », a-t-il ajouté. Aucune réaction de la classe politique canadienne n'a été enregistrée suite à cette déclaration. Les observateurs estiment aussi qu'il est peu probable que la loi soit modifiée avec ce gouvernement minoritaire du moment que le spectre d'élections fédérales plane toujours sur la scène politique. Le Canada fait face aussi au problème de rétention des immigrants. Un peu plus de 1 immigrant sur 6 quitte le Canada une année après son arrivée, selon Statistiques Canada. Si le gouvernement irait au bout de sa logique, le flux migratoire s'en ressentirait nécessairement. Et tous les programmes de rétention, à coups de millions de dollars, ne serviraient qu'à payer les fonctionnaires provinciaux et fédéraux. Pour le cas de la communauté algérienne, qui est estimée à 50 000 personnes, selon l'ambassadeur du Canada en Algérie, une bonne partie obtient son passeport canadien au bout de trois années de présence effective. Elle ne perd pas son passeport algérien. Bien que le président Bouteflika ait pesté contres les binationaux, en juin dernier, les sommant de choisir entre le passeport algérien et celui de l'autre pays, la loi algérienne sur la nationalité n'a pas été modifiée. A l'époque, Bouteflika réagissait à une information distillée « cyniquement » par les diplomates français à Alger à un groupe de journalistes qui visitaient le consulat français. Ils affirmaient que « 100 000 Algériens ont demandé la nationalité française ». Au Canada, on parle de citoyenneté quand les Français parlent de nationalité. Peut-être que la différence est dans cette nuance sémantique. Ironie de l'histoire. Michaëlle Jean, la gouverneure générale du Canada, en visite en Algérie actuellement, serait peut-être, un jour, contrainte de choisir entre sa nationalité haïtienne de naissance et sa citoyenneté canadienne… Elle a déjà été contrainte d'abandonner la nationalité française, en 2005, pour accéder au poste de représentante de la reine.