«Monsieur Rebrab m'a toujours semblé sincère dans sa volonté de tirer la société de la crise. Il l'est toujours sans doute, mais je crains qu'il ne puisse trouver les ressources économiques nécessaires pour parachever les clauses de l'accord», nous confie le maire de Piombino, Massimo Giuliani, rencontré au siège de la municipalité qu'il dirige depuis 2014. Le magnifique palais historique (construit en 1444) qui abrite les bureaux de la commune et donne sur la splendide place Bovio, une terrasse énorme bâtie au bord de la mer, est illuminé de rouge, chaque soir, dans sa partie de la Tour de l'horloge. «Le rouge, la couleur de la lutte !» nous explique le maire. Les autres monuments de la ville portuaire sont également illuminés en signe de solidarité avec les ouvriers de Aferpi, ex-Lucchini. Le premier citoyen de Piombino est particulièrement attaché à l'aciérie relevée par Cevital. D'abord parce que son grand-père y a travaillé dans les décennies passées, et ensuite parce qu'il a pris ses fonctions un mois après que le haut fourneau, partie symbolique et historique de l'usine, ait été éteint à cause de la crise que traverse l'entreprise.Giuliani n'accable pas le patron de Cevital, estimant qu'il n'est pas seul responsable du blocage actuel. «Cevital a présenté un plan bien étudié pour redresser l'entreprise. On y a travaillé longtemps et avec des experts du gouvernement», nous affirme-t-il. Selon lui, les institutions financières italiennes ont laissé le partenaire algérien seul, avec tout le poids d'une usine qui ploie sous les dettes et les problèmes. M. Giuliani reproche aux banques de son territoire de ne s'être jamais impliquées dans ce projet. «Il faut dire que les banques locales ne l'ont pas aidé. Elles n'ont fait aucun effort pour financer, au moins en partie, le plan industriel de restructuration proposé par M. Rebrab. Par ailleurs, la Fédération des aciéries n'a pas bougé le petit doigt non plus. Quand on voit les liens étroits que maintiennent les dirigeants du patronat avec les aciéries concurrentes d'Aferpi, on comprend mieux cette attitude passive», nous explique le maire. Durant notre conversation, plusieurs associations sont passées dans la salle du conseil occupée par les ouvriers et leurs représentants syndicaux pour apporter leur solidarité. L'une d'elles, Libera, l'association de lutte contre la mafia, délègue des représentants pour exprimer leur soutien aux travailleurs qui observent ce sit-in pour faire pression sur leur gouvernement. Le maire de Piombino quitte, pour un instant, en cette journée de fête pascale, le lieu. Il promet qu'il reviendra plus tard pour y passer la nuit, comme déjà annoncé au collectif d'Aferpi. «Cette usine fait vivre 3000 familles sur un territoire de 60 000 habitants. Imaginez la détresse de la communauté si elle venait à fermer !» nous déclare-t-il. Dehors, les restaurants qui donnent sur la mer affichent complet et l'odeur de friture de poissons alourdit l'atmosphère... Des couples de jeunes discutent allègrement devant la gelateria la plus appréciée de la ville. L'Antico Hotel Moderno affiche également complet. Des dizaines de familles de touristes ont envahi la ville en ces jours de vacances. La réceptionniste nous raconte comment de la terrasse de cet hôtel historique, Benito Mussolini et le roi Victor-Emmanuel III s'adressaient aux foules, regroupées en bas, sur les places de Piombino. «Ici, tous étaient fascistes. Ensuite, ils sont devenus tous communistes !» nous raconte-t-elle, avec un sourire entendu.