Se trouvant au centre d'une grande polémique religieuse qu'il a lui-même entretenue, le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aïssa, tente de minimiser ce qui est devenue «l'affaire du courant Al Ahmadiya». Invité par l'Institut diplomatique et des relations internationales (IDRI) pour parler de «l'islam modéré» et de la «diplomatie religieuse» en présence de nombreux ambassadeurs de pays étrangers, Mohamed Aïssa se défend de toute velléité de combattre les Algériens parce qu'ils se réclament du courant ahmadi. «Il n'a pas de volonté manifeste de combattre un quelconque courant religieux, comme il n'existe pas chez nous une volonté de faire disparaître les ahmadis», insiste-t-il. Cependant, le ministre, qui était pourtant au-devant de la scène pour porter «le sabre» et lutter contre ce courant, estime que les poursuites judiciaires se fondent «exclusivement sur les lois de la République». Ceux qui sont poursuivis ou condamnés «le sont pour des raisons de collecte de fonds sans autorisation et appartenance à une association non autorisée», justifie-t-il. Et pour appuyer sa défense, Mohamed Aïssa indique que des citoyens appartenant à d'autres courants et des imams ont également été poursuivis en justice pour des faits qui relèvent de la loi et non pas de la foi, tente-t-il de convaincre. Une ligne de défense faible, dès lors que les poursuites judiciaires contre les fidèles de la doctrine ahmadiya sont accompagnées d'un discours religieux officiel justifiant ce qui s'apparente à une inquisition. A plusieurs reprises, Mohamed Aïssa en personne a déclaré publiquement que les ahmadis «appartiennent à un cercle non musulman» et cette «secte se situe en dehors de l'islam. Les préceptes de cette secte ne sont pas islamiques et portent plutôt préjudice aux bases mêmes de cette religion». Il s'appuie sur une fatwa (un avis juridique) prononcée par le Conseil du fiqh algérien, basé à Laghouat. Une autorité religieuse qui n'a ni mandat ni vocation à prononcer un quelconque jugement de cette nature. Le ministre, qui avait aussi récemment déclaré que «les ahmadis ne sont pas des musulmans», accuse la presse indépendante d'alimenter et de surdimensionner une affaire qui en réalité est «une affaire minime». Pour l'heure, la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme a recensé 240 personnes poursuivies et placées sous le régime du contrôle judiciaire et 25 jugées et condamnées à des peines de prison ferme allant jusqu'à cinq années. Plusieurs organisations de défense des droits de l'homme dénoncent des «atteintes à la liberté et l'exercice du culte pourtant garantis par la Constitution et les pactes internationaux ratifiés par l'Algérie». Par ailleurs, le ministre des Affaires religieuses s'est longuement étalé sur l'expérience algérienne de la lutte contre «l'extrémisme religieux» assurant que le pays «en est définitivement sorti grâce à la politique de la réconciliation nationale, la promotion d'un islam modéré et la formation de qualité des hommes de la religion». Un discours qui ne résiste pas à la réalité de l'islam prêché dans beaucoup de mosquées, dominé par le takfirisme. Les prêches du vendredi prennent souvent l'allure d'appels à la haine et la violence dans des mosquées passées sous le contrôle des imams salafistes radicaux d'obédience wahhabite. De ceux-là, Mohamed Aïssa n'en parle curieusement pas. Lui emboîtant le pas, Abdelkader Messahel, ministre des Affaires africaines, maghrébines et de la Ligue arabe assis à la tribune aux côtés de Mohamed Aïssa et Ramtane Lamamra, a plaidé par contre pour la démocratie afin de lutter contre l'extrémisme violent. «La lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent passe par la démocratie comme choix stratégique. La lutte contre l'extrémisme n'est pas seulement l'affaire du religieux, la démocratie est l'antidote», préconise Abdelkader Messahel.