Les travaux du séminaire international sur la peine de mort ont débuté hier à la cour de Boumerdès. Cette importante manifestation a été marquée par la participation d'éminents avocats et autres hommes de loi algériens et étrangers. En plus des représentants de l'Union internationale des avocats (UIA), d'importantes délégations venues de Tunisie, du Maroc, d'Allemagne et de Belgique ont pris part à cette rencontre, qui se poursuivra jusqu'à aujourd'hui, avec des débats riches et instructifs sur la question «controversée» de la peine de mort dans le monde. Les travaux ont été entamés après un hommage appuyé à l'ex-président de l'UIA, Paul Némo, décédé le 10 avril dernier, «pour son engagement au service des droits de l'homme». Dans son intervention, le représentant du ministère de la Justice et garde des Sceaux, a tenu à rappeler que l'Algérie observe un moratoire depuis 1993, précisant que les peines capitales sont prononcées pour les délits liés aux atteintes à la sûreté de l'Etat, au terrorisme et aux kidnappings suivis d'assassinat d'enfants, mais jamais exécutées dans les faits. Le président de l'Union nationale des barreaux d'Algérie, Me Ahmed Sai, lui, a estimé, après avoir rappelé les objectifs du séminaire, que «le peuple algérien n'est pas encore prêt à accepter l'idée d'annulation de la peine de mort, notamment pour les délits graves». Pour le président sortant de l'UIA, Jean-Jacques Uettwiller, «il appartient aux avocats de maintenir la pression pour l'abolition de la peine de mort». «Les avocats sont les héritiers du sacré et particulièrement en terre d'islam. Souvenons-nous qu'il y au moins 150 ans que les travaux des sociologues ont démontré que la peine de mort n'avait pas d'effet exemplaire et donc elle ne servait à rien d'autre qu' à assouvir le prix du sang», a-t-il souligné. Tout en espérant que le colloque fera avancer les choses, Me Uettwiller soutient qu'«il suffit que la peine de mort soit dans les têtes pour qu'elle soit appliquée à nouveau». «Regardez un pays, un grand pays (Tunisie, ndlr) qui pense à rétablir ce châtiment inhumain contre les engagements qu'il a pris. Ce n'est pas un succès de la démocratie et des droits de l'homme», s'est-il inquiété. Murée dans un silence religieux, l'assistance suivait avec un grand intérêt les interventions des uns et des autres. Salvator Saguès, spécialistes des droits de l'homme à l'OIF, lui, a abordé les statistiques liées à la peine de mort, précisant que 141 pays l'ont abolie, tandis que 57 autres l'appliquent à ce jour. Selon lui, 1032 exécutions ont été enregistrées à travers le monde en 2016, soit 30% de moins par rapport à 2015. Il a noté que de nombreux pays ont rétabli cette peine récemment sous-prétexte de la montée du terrorisme, citant le Tchad et la Tunisie. Pour Me Miloud Brahimi, «la peine de mort a trop duré en Algérie». «Actuellement à l'occasion des législatives, le sujet a fait irruption dans la campagne, puisqu'il y a des partis politiques et pas des moindres qui ont réclamé le rétablissement des exécutions, c'est-à-dire la fin du moratoire», s'est-il indigné. Selon lui ce châtiment a fait son entrée en Algérie en 1884. «Depuis cette date jusqu'à 1954, il y a eu 300 exécutions environ. Entre 1956 et 1962, il y en a eu, sauf erreur, 222», a-t-il indiqué, soulignant que toutes les propositions de loi émises depuis l'indépendance pour l'abolition de cette peine sont restées lettre morte.
«Ne pas répondre à l'horreur par l'horreur» «La peine de mort est un traitement inhumain. Elle ne sert à rien et a aucun effet dissuasif. Il n'y a aucune étude qui a démontré qu'il y a plus de crimes dans des pays qui ont aboli la peine de mort que dans ceux qui l'appliquent. A chaque fois qu'il y a un crime dans le monde, des voix s'élèvent pour réclamer la peine de mort. Mais c'est le rôle des gouvernants de savoir résister à la vindicte populaire pour imposer l'Etat de droit et la démocratie dans le monde», a déclaré le président sortant de l'UIA, Jean-Jacques Uettwiller. Selon lui, les avocats algériens sont très mobilisés pour «abolir la peine de mort, estimant que leurs efforts doivent être appuyés par la société civile». S'agissant des voix qui se sont élevées ces derniers mois çà et là pour réclamer l'exécution des kidnappeurs et assassins d'enfants, il a estimé que la population est sujette à l'émotion qui peut naître après n'importe quel crime dramatique. Selon lui, le gouvernement ne doit pas se laisser emporter par les courants.