Deux richissimes koweïtiens ont été condamnés hier par le tribunal d'El Bayadh à une peine de six mois de prison avec sursis pour braconnage assortie d'une amende de 50 000 DA, a-t-on appris de source judiciaire. Les deux mis en cause ont été arrêtés dimanche dernier en situation de flagrant délit par la gendarmerie au lieudit Khnig, situé à 120 km au sud de Brézina, à El Bayadh, alors qu'ils étaient en train de chasser l'outarde, un volatile de la région, protégé en vertu de l'ordonnance présidentielle n°06-05 du 15 juillet 2006 relative à la préservation des espèces animales menacées de disparition. Ils étaient à bord d'une Toyota Helix, et avaient en leur possession six outardes (dépecées) et quatre faucons munis de muselières. Ces derniers ont été mis en liberté dès l'arrivée des gendarme sur les lieux, ce qui a rendu impossible leur capture. Les deux braconniers se sont défendus en affirmant qu'ils étaient venus de Laghouat en tant que touristes pour visiter la région. Après avoir été entendus par le procureur, ils ont été déférés hier au tribunal d'El Bayadh, qui les a condamnés à six mois de prison avec sursis, assortie d'une amende de 50 000 DA chacun et la confiscation des six outardes. Lors de leur jugement, les deux prévenus ont déclaré qu'ils étaient à la recherche de truffes. Une affirmation qui n'a pas convaincu le juge, lequel leur a signifié que ces fruits ne pouvaient être cueillis la nuit. « Nous avons nos GPS pour pouvoir nous orienter », ont-ils répondu au juge. Les deux Koweïtiens ont déclaré par ailleurs que les quatre faucons, qui se sont envolés dès l'arrivée des gendarmes, se nourrissent de son, ce qui a fait sortir le juge de ses gonds, il leur a demandé alors : « Et qui a dépecé les six outardes trouvées dans votre véhicule ? » Le ministère public a quant à lui requis une peine de six mois de prison ferme, avant que le tribunal ne prononce la même peine mais avec sursis, avec confiscation du matériel trouvé dans la voiture. Ce verdict est jugé énigmatique par de nombreux professionnels du droit dans la mesure où la nouvelle loi portant préservation des animaux en voie de disparition prévoit des sanctions très sévères contre les braconniers. En effet, dans le chapitre des mesures coercitives, l'ordonnance 06-05 du 15 juillet 2006 souligne dans son article 9 que toute infraction aux dispositions de l'article 4 (la chasse) est punie d'un emprisonnement d'un à trois ans et d'une amende de 200 000 à 500 000 DA. Cette loi punit non seulement les braconniers mais également toute personne ayant permis, facilité, aidé ou contribué par quelque façon que ce soit à la chasse ou à la capture, à la détention, au transport et à la commercialisation des animaux en voie de disparition. Ces intermédiaires sont passibles de 1 à 2 ans de prison et d'une amende de 100 000 à 300 000 DA. Visiblement, le verdict du tribunal d'El Bayadh n'est pas du tout inspiré de la nouvelle loi, qui ne prévoit aucune peine avec sursis et encore moins une amende de 50 000 DA. Peut-on croire que les juges d'El Bayadh ne sont pas informés du fait que l'ordonnance 15-06 de juillet 2006 a abrogé toutes les dispositions antérieures relatives à la répression du braconnage ? Mieux, dans le verdict d'hier, le juge n'a pas confisqué le véhicule ayant servi à la chasse, lequel a été restitué aux braconniers, sous prétexte qu'il ne leur appartient pas. Or, l'ordonnance est très claire à ce sujet, puisqu'elle prévoit la confiscation de tous les moyens utilisés pour le braconnage que ce soit de transport, de capture, ou de commercialisation. Le procès, qui a été suivi par une grande partie de la population d'El Bayadh, a surpris de par la facilité avec laquelle les braconniers ont réussi à se tirer d'affaire. La question qui reste néanmoins posée est de savoir si le même verdict aurait été prononcé si les prévenus étaient des Algériens. Forcément non, ont répondu de nombreux avocats qui ont suivi le déroulement de ce procès énigmatique.