«L'Algérie est dans une situation de fragilité et les conduites addictives aux substances, mais également au Net constituent une réelle menace à laquelle les pouvoirs publics algériens doivent sérieusement se préparer», alertent des spécialistes de la santé mentale. Le coût social de la toxicomanie en Algérie est de l'ordre de 20 millions à 1,5 milliard d'euros, contre 5 milliards d'euros en France (toutes drogues confondues, y compris l'alcool), a indiqué samedi, lors d'une rencontre à Tizi Ouzou, Dr Mahmoud Boudarène. Intervenant à l'occasion d'une journée d'information et de sensibilisation contre l'usage des drogues, organisée au musée du Moudjahid par l'association médicale Tujya, en collaboration avec l'Association nationale des échanges entre jeunes (Anej), ce spécialiste en psychiatrie a plaidé pour l'intensification des efforts à tous les niveaux pour remédier un tant soit peu à ce fléau. «Plus de 340 000 toxicomanes réguliers ont été recensés en Algérie, mais leur nombre serait plus important. Au moins 2,5 % à 5% de la population algérienne consomment épisodiquement des drogues et des psychotropes», a-t-il souligné. «La prévention doit être adossée à la nécessité d'éradiquer les conditions qui font le lit de la toxicomanie. Ce phénomène ne sera sans doute pas extirpé totalement de la société, mais il peut, si la volonté politique existe, être substantiellement réduit», a-t-il ajouté. La cyberdépendance et la dépendance aux produits toxiques, tels que les psychotropes, le haschich, la cocaïne ou encore l'héroïne, constituent une réalité grandissante dans notre pays, a soutenu Dr Boudarène, précisant que l'Algérie, qui était jusque-là — pour des raisons de situation géographique — une zone de transit pour le trafic des stupéfiants, devient présentement un client. «Des indices montrent en effet que le trafic international de drogue s'intéresse avec insistance à notre pays. Et pour cause, il constitue une véritable opportunité pour le développement d'une consommation locale. Les narcotrafiquants ont bien compris que la précarité sociale est le terreau idéal et que les jeunes Algériens, en souffrance, sont de ce fait des proies faciles. Les prises de stupéfiants, de plus en plus nombreuses, réalisées à nos frontières par les services des Douanes et de sécurité ne sont en réalité que la partie visible de l'iceberg». De l'avis de l'intervenant, l'Algérie est dans une situation de fragilité et les conduites addictives aux substances, mais également (et de plus en plus) au Net constituent une réelle menace à laquelle les pouvoirs publics algériens doivent sérieusement se préparer. Abordant le rôle des centres intermédiaires de soins en addictologie (CISA), Dr Antar, de la wilaya de Tipasa, a souligné que les soins ne suffisent pas pour faire réintégrer dans la société des jeunes entraînés dans la toxicomanie depuis des années. Une augmentation du nombre des toxicomanes admis dans les 35 centres fonctionnels à travers le pays a été constatée, parmi lesquels des filles accros notamment aux amphétamines, ces substances psychostimulantes. «Au CISA de Fouka, dans la wilaya de Tipasa, 20% des personnes consultées sont des femmes, dont beaucoup ont développé une dépendance aux amphétamines.» Par ailleurs, le représentant de la sûreté de wilaya de Tizi Ouzou a relevé que quelque 70 kg de kif traité ont été saisis par la police durant l'année 2016.