Les commerçants de boissons alcoolisées dénoncent une «chasse à l'activité» que sont en train d'opérer les autorités de la wilaya d'Alger, privilégiant ainsi la progression des dépôts informels. Les gérants de dépôts de vin et liqueurs et restaurants avec boissons alcoolisées du port d'El Djamila, ex-La Madrague, sont sommés de fermer leur commerce. Les derniers dépôts de boissons et restaurants viennent donc de mettre la clef sous le paillasson, après avoir reçu une notification de fermeture de la wilaya d'Alger. Les gérants de ce type de commerce, soumis à réglementation spécifique, dénoncent le «harcèlement» pratiqué par les services de sécurité sur ordre de la wilaya d'Alger qui, «prétextant des motifs dérisoires, prononce des fermetures sans délai». Un gérant d'un dépôt de vin et liqueurs, installé depuis plusieurs décennies dans ce quartier de la capitale, dénonce «un acharnement des services de la wilaya d'Alger qui cible les gérants de débits et dépôts de boissons alcoolisées, notamment dans la wilaya d'Alger». «Je viens de recevoir la notification de fermeture. avec ce papier, moi et le gérant du restaurant d'en face qui sert des boissons alcoolisées sommes les derniers du métier au niveau de ce port», explique un commerçant de boissons alcoolisées, convaincu que les autorités sont en train de mener une campagne de fermetures en catimini contre ce type de commerce. «Et pourtant, souligne notre interlocuteur, notre activité est tout ce qu'il y a de plus légal. Nous payons nos impôts, nous déclarons nos employés et réglons nos loyers.» Selon les commerçants interrogés, les motifs avancés par les services de la wilaya sont relatifs, pour certains, à des infractions mineures ne nécessitant pas une mesure de fermeture ; dans certains cas, ce sont des pétitions lancées par certains individus sans aucun lien avec le voisinage qui motivent ces actions. «Un policier venu confirmer l'exécution de la fermeture m'a indiqué que cette activité est illégale sur le plan religieux, et donc c'est ce qui motive cette fermeture», dénonce le gérant d'un dépôt au niveau du quartier El Djemila. Mais ces individus ne sont nullement dérangés par les bars clandestins et étals anarchiques de vente de boissons qui écoulent les produits même pour les mineurs. Pour ces gérants, il s'agit d'une campagne de chasse aux débits de boissons qui n'a pour objectif que de favoriser la vente de ces produits dans l'informel et sans aucun contrôle. «Nos clients, surpris par la fermeture en cascade des points de vente légaux, sont tout simplement détournés et orientés vers les dépôts anarchique en plein air, sur les trottoirs ou derrière les rochers, sous l'œil complice des services de sécurité qui ne bougent pas le petit doigt pour chasser ces vendeurs informels.» Hypocrisie Djamel Brahmi, secrétaire général de l'Apc de Aïn Benian, souligne que l'APC n'a émis aucune requête contre les commerçants. «Nous nous inquiétons, par contre, des répercussions de la vente informelle de boissons et l'impact sur les mineurs et les dysfonctionnements accompagnant cette activité loin des circuits contrôlés». Pour le représentant de l'administration, des irrégularités ont été relevées concernant la régularisation de la situation des commerçants vis-à-vis des loyers, mais «il n'y a aucun problème de voisinage relevé», insiste le secrétaire général de ladite APC, contacté par El Watan. La fermeture des débits et dépôts de boissons alcoolisées est un véritable frein pour la progression de la filière. Producteur de vin et de bien d'autres boissons alcoolisées, l'Algérie soumet le créneau à un arsenal législatif jugé «contraignant» par les professionnels du secteur. Si par le passé seuls les établissements de consommation étaient soumis à une autorisation préalable des services de la wilaya d'Alger, le passage d'un ministre du MSP au département du commerce a fait des dépôts de boissons et points de vente une activité réglementée soumise à autorisations et à enquête. Il suffit donc d'une simple pétition pour justifier une décision de fermeture de ce genre de commerce. Une situation que dénonce l'Association des producteurs algériens de boissons (APAB), reflétant «l'hypocrisie» des pouvoirs publics. Pour M. Hamani, président de cette association, «il y a un décalage entre la législation algérienne qui autorise et réglemente l'activité de la production, la commercialisation et la consommation des boissons alcoolisées et les pratiques des autorités sur le terrain.» L'APAB dénonce la fermeture des points de vente conformes, et le non-renouvellement des autorisations d'activité pour les professionnels ayant régularisé leur situation. Pour l'Apab, le maintien de l'activité dans l'informel qui est en passe de devenir la règle entrave le circuit de production, de commercialisation des produits, soumis à une rude concurrence avec les produits importés. Selon les statistiques officielles, la consommation annuelle est de 5 litres par habitant. La production nationale est estimée à 2 millions d'hectolitres par an. En 2016, l'Algérie a importé pour 80 millions de dollars de vin, bière et spiritueux. «Les importations ont doublé par rapport à celles de l'année précédente», précise le président de l'APAB.