En déplacement, vendredi au Mali, pour rendre visite aux troupes de l'opération Barkhane, le président français, Emmanuel Macron, a prévenu qu'il ferait preuve d'une «exigence renforcée» sur le respect par les pays du Sahel de l'accord de paix intermalien signé à Alger en mai 2015. En sa qualité de commandant en chef de l'armée française, M. Macron a sans doute raison de veiller à ce que ses troupes ne s'éternisent pas dans une région où le risque d'enlisement est réel à cause de la faiblesse des Etats et de l'importance des défis que pose la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue. L'inclusion de l'Algérie dans le groupe de pays auxquels la France semble reprocher de lever le pied dans l'application de cet accord a, cependant, surpris de nombreux observateurs, dans la mesure où l'Algérie est encore l'un des rares pays à suivre pratiquement au jour le jour le processus de règlement de la crise. N'étaient les pressions amicales régulièrement exercées par Ramtane Lamamra, le ministre des Affaires étrangères, autant sur le gouvernement malien que sur la direction de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), l'accord en question (qui a coûté à l'Etat algérien plusieurs millions de dollars et mobilisé son appareil diplomatique pendant plusieurs mois) serait très certainement resté lettre morte. Plusieurs responsables maliens continuent d'ailleurs de reconnaître aujourd'hui que sans l'implication de l'Algérie dans le règlement de la crise qui a secoué leur pays au lendemain du renversement, par la France et la Grande-Bretagne, de Mouammar El Gueddafi, le Mali aurait probablement éclaté en mille morceaux. Elément moins méconnu du grand public, l'Algérie a apporté également une aide précieuse aux opérations Serval et Barkhane lancées à partir de janvier 2013 par la France pour neutraliser la kyrielle de groupes terroristes qui avaient fait main basse sur le septentrion malien. L'armée algérienne continue d'ailleurs, à ce jour, d'assurer un soutien logistique aux troupes françaises basées au Mali et à veiller à ce que les groupes terroristes pourchassés ne puissent pas fuir la zone. Le président Macron prendra certainement connaissance de tous ces éléments au fur et à mesure qu'il aura à traiter du dossier malien. Le plus étonnant est que malgré son investissement dans le règlement de la crise malienne et son engagement dans la lutte contre le terrorisme, l'Algérie fait l'objet aujourd'hui d'accusations fantaisistes suggérant qu'elle protège le chef terroriste Iyad Ag Ghali, le fondateur d'Ansar Eddine, qui est à la tête depuis le 2 mars 2017 de Jamaat Nosrat al Islam wal Mouslimin. L'accusation ne tient pas la route pour la simple raison qu'Iyad Ag Ghali s'était fait «griller» auprès de l'Algérie dès 2013 et cela après son refus de s'inscrire dans le processus de paix au Mali initié à Alger. Et ce refus, il l'avait signifié en ordonnant à ses éléments de mener une attaque de concert avec Aqmi et le Mujao contre la ville de Konna. «Pour nous, en tombant sous l'emprise de son aile djihadiste, Ansar Eddine s'est totalement disqualifié. En s'associant avec les groupes terroristes qui ont attaqué la ville de Konna, il a franchi le Rubicon en choisissant clairement le camp des terroristes. Nous le considérons désormais comme tel, au même titre qu'AQMI et le Mujao», avait expliqué, à El Watan, une source diplomatique algérienne. Celle-ci avait, par ailleurs, tenu à rappeler que la partie algérienne l'avait «pourtant maintes fois sommé de se déterminer clairement en rompant, sans ambiguïté aucune, avec les groupes terroristes et les narcotrafiquants afin qu'il puisse faire partie de la solution à la crise malienne», (El Watan du 17 janvier 2013). Iyad Ag Ghali sait pertinemment depuis qu'il n'a plus rien à espérer de l'Etat algérien. Sur cette question, il faut reconnaître au président Macron le mérite de ne pas s'être laissé embobiner par les rumeurs infondées qui courent au Sahel au sujet de l'Algérie. Il a, en effet, pris soin d'indiquer lors de sa visite au Mali n'avoir aucun élément permettant d'étayer que l'Algérie soutient Iyad Ag Ghali. Le doute est donc levé. «Ce n'est pas la première fois que l'Algérie est visée par de telles accusations. Ces élucubrations vides de sens ne méritent même pas d'être commentées. Le temps a toutefois toujours fini par prouver que leurs auteurs n'avaient pour autre objectif que d'essayer, à chaque fois, de mettre hors jeu l'Algérie au Sahel», confie un connaisseur du dossier.