Notre collègue Djamel Alilat a été arrêté dans la nuit de dimanche à lundi dernier dans la ville de Nador par la police marocaine alors qu'il réalisait un reportage pour le compte d'El Watan sur les événements qui secouent Al Hoceima. Djamel se savait surveillé par la police et s'apprêtait à éviter les hôtels pour échapper au risque d'une éventuelle interpellation. Ses appréhensions se sont vite confirmées puisqu'il sera arrêté vers les coups de 22h, soit la veille de son départ vers Al Hoceima, là où la répression du mouvement Hirak par les forces de sécurité marocaines font rage. Des militants marocains devaient l'abriter pour lui permettre de continuer son travail de terrain sans être repéré par la police marocaine. Aussitôt l'alerte de son arrestation donnée par un militant rifain et l'information relayée sur les réseaux sociaux, un formidable élan de solidarité s'est exprimé, avec des appels à des sit-in, une pétition et des réactions de dénonciation qui se sont faites nombreuses. La LADDH Béjaïa a été très prompte dans sa réaction. Elle a rendu public un communiqué où elle «interpelle le gouvernement marocain et exige sa libération et le respect des droits d'expression et d'information». La ligue a actionné ses relais et a informé que la Coordination maghrébine des organisations des droits humains (CMODH) «est déjà informée et se saisit du dossier». Selon la LADDH, «des avocats marocains (étaient) sur les lieux pour assurer l'assistance judiciaire du journaliste». L'appel a été même fait en direction des «organisations de la société civile marocaine pour se mobiliser pour exiger la libération du journaliste». D'après Saïd Salhi, vice-président de la LADDH, et vice-coordinateur de la CMODH Maghreb, les sections locales de l'association marocaine des droits de l'homme se sont mobilisées et une procédure d'expulsion de notre collègue a été déclenchée dans l'après-midi d'hier. L'information de l'expulsion a été confirmée vers la fin de la journée par une dépêche de l'agence d'information marocaine MAP. «Un ressortissant de nationalité algérienne a été expulsé lundi du territoire marocain en application des dispositions de la loi n° 02-03 relative à l'entrée et au séjour des étrangers au royaume du Maroc», indique un communiqué de la province de Nador. «Cette décision a été prise après que la personne en question a effectué une couverture médiatique sans autorisation préalable des autorités concernées, précise la même source», rapport la MAP. Les autorités marocaines ne reconnaissent donc pas à notre collègue la qualité de journaliste. Un média en ligne marocain a informé que Djamel Alilat a été accusé de plus que cela «de monter les manifestants contre les autorités» (sic) et que le parquet général a ordonné une enquête. Dans un communiqué, le Syndicat national des journalistes algériens (SNJ) «note, avec regret, l'attitude peu confraternelle de certains médias marocains qui mènent une campagne de propagande hystérique, appartenant à un autre temps et à un autre métier, juste pour diaboliser un journaliste dont le seul tort est d'être de nationalité algérienne !» Dans nos tentatives de nous informer du sort de notre collègue, nous avons dû solliciter un confrère marocain. Son engagement à le faire est malheureusement resté sans suite. Beaucoup ont exprimé leur appréhension que les autorités marocaines ne prennent un journaliste algérien comme «monnaie d'échange» ou comme un moyen de chantage contre l'Algérie. Le RPK (Rassemblement pour la Kabylie), a dénoncé, à travers un communiqué, cette arrestation et a considéré que «les atteintes récurrentes aux droits politiques et à la liberté d'expression par les régimes autoritaires de l'Afrique du Nord constituent un facteur de blocage pour l'émancipation des peuples». La LADDH appelle, de son côté, le gouvernement marocain «à la retenue et au dialogue avec les leaders du mouvement (rifain, ndlr) pour une solution juste et à la hauteur des attentes des populations de cette région». En attendant l'arrivée de notre collègue, la répression à Al Hoceima continuera avec un témoin gênant en moins.