Les 11 et 18 juin, les élections législatives décideront de la politique française pour les cinq ans à venir. Le nouveau Président mise sur une majorité autour de son programme. Les 577 circonscriptions parlementaires vont être renouvelées dans une dizaine de jours. Ce sera un grand chambardement, avec beaucoup de nouveaux et un plus grand nombre de femmes, parité oblige. Pour la première fois depuis longtemps, un grand nombre de députés sortants ne se représenteront pas, parmi lesquels des figures importantes de la vie politique française de ces dernières années. Certains anticipent leur probable non-réélection et jettent le gant face au vent du besoin de changement que la présidentielle a apporté. D'autres seront sous le coup de la loi de non-cumul. Promulguée en 2014 par le président François Hollande, elle prendra effet pour la première fois lors de ce scrutin. Désormais, le cumul de deux fonctions exécutives ne sera plus possible. On ne peut pas être à la fois maire et député, ou bien encore président d'un département ou d'une Région et député. Cela réduit grandement les appétits et beaucoup se sont résolus à choisir le moins aléatoire pour eux, quittant contre leur gré l'Assemblée nationale. Le deuxième facteur, qui change la donne, est l'élection, le 7 mai dernier, du président Emmanuel Macron, dont le mot d'ordre est le renouvellement du personnel politique et la moralisation de la vie publique. Ces derniers jours, les soupçons de favoritisme du ministre et bras droit du Président, Richard Ferrand, pour une location des Mutuelles de Bretagne qu'il dirigeait a chamboulé cet espoir. Désormais, même dans le camp Macron, la suspicion est de mise. Les «Macron» compatibles Pourtant, cette arrivée au sommet du pouvoir d'un homme jeune, le plus jeune de tous les temps de la République française, était censée apporter un souffle nouveau. Pour affronter les législatives, il a transformé son mouvement En Marche ! (EM. : les initiales d'Emmanuel Macron) en ébauche de parti présidentiel : la République en marche (LREM). Si au départ de sa conquête du pouvoir il avait lancé un appel aux candidatures dites «de la société civile» pour aller aux urnes, le scénario a un peu été modifié après son élection à la fonction suprême. LREM supporte ainsi des candidats hors de sa sphère, dont des personnalités du parti Les Républicains (LR), certains ayant même été nommés ministres, comme le premier d'entre eux, Edouard Philippe, et Bruno Lemaire. Quelques-uns n'auront pas d'adversaires du parti LREM face à eux. Dans l'idée de Macron, il s'agit de se réserver un volant d'affidés, au cas où il n'aurait pas la majorité à la prochaine Chambre législative. Même cas de figure à gauche pour des figures compatibles avec le programme de Macron, tel par exemple, tiré d'une longue liste, Manuel Valls (ancien Premier ministre), ou Myriam El Khomri, à qui on doit la loi Travail, que Macron veut rendre encore plus dure en revoyant le code du travail par ordonnance très vite. Déconfiture à droite, éclatement à gauche Jusque-là, c'était une des forces de Macron et de son futur groupe présidentiel de s'affirmer à mi-chemin de décisions typiquement de droite, sans la dureté que le candidat de LR François Fillon promettait avec du sang et des larmes. Il s'agit pour le nouveau pouvoir de ne pas écraser encore plus les classes populaires, en utilisant des ficelles que Macron qualifie souvent de pragmatiques. Autrement dit, en y mettant les formes dont on se demande si elles vont résister à la pression des manifestations. Ce qui balayerait son programme de droite sans la droite et de gauche sans la gauche. De cette forme inédite de proposition politique, personne ne sait si cela marchera dans cette période de crise sociale et économique sans précédent. Macron, tout à son idée d'une majorité à construire, s'appuie aussi sur l'éclatement désormais établi du Parti socialiste, qui devra renaître sur ses décombres. Il peut aussi compter sur la déconfiture à droite, dont les prétentions hégémoniques après le quinquennat vilipendé de François Hollande sont ruinées depuis la défaite de l'ancien président Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite, puis la catastrophe de François Fillon éliminé par les électeurs en raison de ses affaires et de sa mise en examen. Face à cette double craquelure politique à droite comme à gauche, le président Emmanuel Macron croit pouvoir jouer sur du velours. Les récents sondages lui donnent un avantage électoral certain qui devrait se traduire en sièges. Pourtant, deux scores seront étudiés de près au soir du 11 juin, puis du 18 juin, celui du Front national (qui, lui aussi, est en souci de stratégie, voire de leadership après la défaite de Marine Le Pen). Le parti d'extrême droite, qui compte seulement deux députés, pourrait gonfler singulièrement ses gains électoraux et avoir un groupe parlementaire dont l'influence sera certaine au moment de discuter les lois. L'autre inconnue est celle du mouvement de Jean-Luc Mélenchon, La France insoumise. Face à une gauche classique en perte de repères, il pourrait être pour les électeurs de gauche un nouvelle boussole. Enfin, parmi les autres points qui pourraient fausser le jeu électoral, le nombre incroyable de candidats divers et variés. Un record absolu. Signe, d'une part, de la dilution du message politique. Certaines circonscriptions ont jusqu'à 19 candidats. En deuxième lieu, l'intérêt financier. Certains mouvements les plus loufoques ne cherchent à travers ce scrutin qu'à engranger les sommes que l'Etat réserve pendant cinq ans à ceux qui ont fait au moins 1% de voix dans un certain nombre de circonscriptions. Le jeu en vaut la chandelle. Au final, se présenter est un meilleur investissement qu'un ticket de loterie.