Ce sera donc un duel - quelque peu attendu - Macron-Le Pen. En fait, ce n'est pas une surprise dès lors que Marine Le Pen et Macron menaient la course en tête depuis l'ouverture de la campagne présidentielle. En revanche, la surprise est de découvrir une France «écartelée» entre quatre visions inconciliables. De fait, il n'y a pas photo entre les programmes défendus par les candidats arrivés en pole position: Emmanuel Macron (23,75% des voix), Marine Le Pen (21,60%), François Fillon (19,90%) et Jean-Luc Mélenchon (19,30%). Les quatre se tiennent dans un mouchoir, induisant un éclatement de l'électorat français très partagé. Les résultats du premier tour de la présidentielle disent la fin de la bipolarisation du système politique français, lequel a prévalu sous la Ve République. Deuxième point à retenir, l'élimination des deux partis qui se sont échangés le pouvoir durant les quarante dernières années. Ainsi, Les Républicains (LR, droite) et le Parti socialiste (PS, gauche) se sont fait éjecter de la course à l'Elysée. Ce qu'il faut aussi relever est l'écrasement du Parti socialiste français, dont le candidat Benoît Hamon [6,30% des voix, en 2012, François Hollande eut 28% des voix au premier tour] avait rapidement reconnu le désastre, assumant cette défaite et appelant à voter Macron pour «barrer la route» à l'extrême droite. Voie suivie peu après par l'autre grand perdant de cette soirée électorale, François Fillon (LR, droite) qui, tout en prenant acte de sa défaite - qu'il assume totalement - appelle lui aussi à voter «Macron» car dit-il «il n'y a pas d'autre choix» face à l'extrémisme que représente, selon lui, la candidate du Font national, Marine Le Pen. En fait, dimanche soir, il y eut des déchirements douloureux et des retournements de vestes, faisant chorus autour du vainqueur du premier tour, Emmanuel Macron. Nombre de dinosaures de la droite comme Alain Juppé, Christian Estrosi, ont appelé (individuellement) à voter «Macron», nécessité faisant loi! La droite en crise n'a pas donné de mots d'ordre de vote, mais de nombreux caciques ont déjà fait leur choix pour Macron alors que les jeunes de droite penchent plutôt vers Marine Le Pen. En fait, la sortie de l'Union européenne et de l'euro que la candidate du Front national, Marine Le Pen veut mettre en oeuvre si elle est élue à la chefferie de l'Etat, fait peur à une classe politique française traumatisée par des résultats qualifiés de «séisme». Si donc les leaders de partis politiques, aux antipodes les uns des autres que sont la droite et la gauche, appellent uniment à voter pour le «centriste» Emmanuel Macron, ils le font par défaut. Ce que résume parfaitement François Fillon qui reconnaît n'avoir d'autre choix que de voter «Macron», dès lors que l'abstention «n'est pas dans ses gènes». Comment Emmanuel Macron va-t-il gérer sa victoire et l'afflux, d'«amis» mal ou bien intentionnés à son «secours», pour le second tour? L'équipe de campagne de Macron assure, pour sa part, que le leader d'En Marche! a son programme pour lequel les Français ont voté. Certes! Toutefois, Macron devra sortir de son ambiguïté, qui n'est pas sans savoir qu'il aura besoin de ces appuis aussi disparates fussent-ils. Son taux au suffrage universel (23,75% reste loin des 31% de Sarkozy au premier tour en 2007 ou de François Hollande, 28% en 2012). Aussi, son taux, le fragilise plutôt, ne lui garantit rien et l'incline à brasser large en cherchant des soutiens partout où ils se trouvent. C'est là un autre aspect d'une présidentielle française déroutante, dont l'indécision de l'électorat a contribué à accentuer les divisions d'un système politique français sclérosé. Car quoi que l'on en dise, et malgré sa jeunesse - à 39 ans, Emmanuel Macron, serait le plus jeune président français élu, si le 7 mai prochain il remporte le second tour - le candidat d'«En Marche!» est en fait un enfant du système, grandi au sein du système, reproduisant le système et surtout tributaire de ce système pour une éventuelle élection. Ce n'est donc pas lui qui préparera la VIe République, à bâtir sur de nouveaux concepts politiques. Celui qui évoqua cette éventualité avec une évolution graduelle de la France vers la VIe République est, entre autres, Jean-Luc Mélenchon, la surprise de ce premier tour. En ne prenant pas position entre les deux vainqueurs du premier tour le leader de «La France insoumise» voit loin. Reste donc le cas Jean-Luc Mélenchon qui, nonobstant sa 4è place, n'en sort pas moins gonflé à bloc lui qui n'était pas attendu à ce niveau, plus familier avec les 1%/2% des voix que les 20% qu'il frôla dans la soirée de dimanche. En ne donnant pas de consigne de vote, il reste en fait sur sa trajectoire qui estime qu'il n'existe pas de différence entre Macron et Le Pen. Mélenchon se met en fait en réserve de la République et se pose comme le politique de gauche le plus crédible, avec un profil à même de faire de lui «l'héritier» d'un Parti socialiste, aujourd'hui à la dérive, à réinventer.