Emmanuel Macron a donc remporté ce second tour de l'élection présidentielle française. Il est le huitième à la tête de l'Etat, dans le cadre de la Vème République française fondée en 1958, après Charles De Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. La campagne pour ce scrutin présidentiel fut fort longue, débutant il y a plus de neuf mois avec une nouveauté, les « élections primaires », où les deux grands partis traditionnels, les Républicains (avec une partie des formations centristes), à droite, le Parti socialiste, ont organisé un scrutin national public pour choisir leur candidat officiel parmi les différents postulants qui s'étaient déclarés dans leurs propres rangs. Cette innovation d'inspiration « démocratique » fut en réalité une très mauvaise fausse-bonne idée. Ces primaires ont réussi à faire retirer de la compétition, deux président et ex-président de la République, François Hollande et Nicolas Sarkozy, et deux anciens Premiers ministres, Alain Juppé et Manuel Valls. L'ancien 1er ministre François Fillon fut lui, éliminé au 1er tour de la Présidentielle. A l'inverse, le Front national n'a pas recouru aux primaires pour désigner Marine Le Pen, ni le jeune mouvement En Marche pour nommer Emmanuel Macron, pas plus que la France insoumise, pour choisir Jean-Luc Mélenchon. Tous trois présents en tête, avec Fillon à la sortie du 1er tour. Mélenchon a réalisé un très bon score, s'imposant, après la déconfiture du PS comme principal candidat de la gauche et futur opposant dans son camp à Emmanuel Macron. François Fillon, après une mauvaise campagne, se retire de la politique, laissant Les Républicains dans une grande crise existentielle : comme au PS, où une partie des dirigeants et des élus ont rejoint le mouvement En Marche d'Emmanuel Macron, une partie de l'appareil des Républicains, notamment des partisans d'Alain Juppé, est très tentée par une alliance directe avec Macron, d'autres y étant très rétifs. Macron à l'Elysée, qui va-t-il nommer à l'Hôtel Matignon comme Premier ministre ? Le choix sera loin d'être neutre. Ira-t-il chercher un chef du gouvernement plutôt à droite ou plutôt à gauche ? L'indication est d'autant plus importante qu'Emmanuel Macron est souvent resté imprécis sur la politique qu'il entend mener dans les cinq années qui viennent. Candidat « ni droite, ni gauche », jeune et dynamique, très bon orateur, il parle bien et beaucoup mais ne dit pas grand-chose. Sa principale adversaire, Marine Le Pen s'est, elle, plutôt mal tirée du débat qui les a opposé mercredi dernier dans un face-à-face télévisuel. La candidate d'extrême-droite du Front national qui avait mené une campagne plutôt modérée et à fort contenu social, s'est laissé emporter par des polémiques plutôt violentes et le retour à des positions très d'extrême-droite sur la sécurité ou l'immigration. Ce qui l'a fait reculer dans les intentions de vote. Mais quelles que soient ses erreurs, elle restera à droite, dans les mois prochains, comme la principale opposante à Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon incarnera lui, l'opposition de gauche, bien plus que le parti socialiste en pleine implosion. Les législatives et les premières mesures Mais cette très longue campagne politique n'est pas terminée. Dans cinq semaines, se dérouleront en deux tours les élections législatives qui vont renouveler ou confirmer les 577 députés actuels. Dans ce domaine, toutes les hypothèses sont ouvertes et il y a fort à parier qu'Emmanuel Macron avec son mouvement En Marche ne disposera pas d'une majorité parlementaire. D'autant qu'il veut présenter pour moitié de ses candidats des personnalités non-politiques, issues de la société civile mais pas nécessairement aguerries aux joutes politiciennes. Fera-t-il alors alliance et avec qui ? Plutôt à droite, ou plutôt à gauche ? Sera-t-il contraint de se contenter d'un régime de cohabitation avec un 1er ministre choisi par son opposition ? Son premier mois présidentiel sera très indicatif sur ses choix futurs. Emmanuel Macron a donné ses cinq premières priorités. Une loi de « moralisation de la vie politique » sera mise sur la table pour être ratifiée après les législatives : elle voudrait limiter les « affaires financières » qui ont touché beaucoup d'élus, interdirait le cumul de mandat et peut-être l'introduction d'une dose de proportionnelle dans le Parlement ; une réforme de l'école primaire serait également initiée ; un « droit à l'erreur » sera institué en faveur des citoyens dans leurs rapports à l'administration, notamment fiscale. Vaste programme quand on connaît le pointillisme comme tradition dans la fonction publique française. Beaucoup plus sensible, Emmanuel Macron veut lancer par ordonnance, c'est-à-dire très rapidement et sans débat parlementaire, une nouvelle réforme du Code du Travail destiné à « simplifier le droit du travail » et de « donner plus de place à l'accord majoritaire d'entreprise ou de branche ». « Le tout par ordonnances, pour procéder de manière rapide et efficace », a précisé Emmanuel Macron. La précédente Loi Travail de Myriam El Khomri avait divisé la majorité socialiste et entrainé une forte réaction du mouvement syndical. Il y a fort à parier qu'une nouvelle réforme par ordonnance, c'est-à-dire sans aucun débat, soit un chiffon rouge agité devant les syndicats. Dernière mesure, la réorganisation de la lutte anti-terroriste : Emmanuel Macron veut la création d'un état-major permanent des opérations de sécurité intérieure, de renseignement et de lutte contre le terrorisme, ainsi que d'une cellule spéciale du renseignement dédiée à Daesh. Pourquoi pas ? Mais cette proposition souligne paradoxalement une très grande absence dans cette très longue campagne électorale : la politique étrangère française (à part un peu sur l'Europe), ses interventions militaires dans quatre pays n'ont jamais été abordées dans les innombrables débats qui ont eu lieu pendant ces neuf longs mois.