La crise politique de la droite occupe la scène médiatique. En mettant fin, hier, au suspense quant à son retour dans l'arène, Alain Juppé a relancé la machine à commentaires. Alors que François Fillon représente 20% des intentions de vote et que 70% des Français souhaitent son retrait de la campagne, le candidat de la droite empêtré dans ses ennuis judiciaires a occupé quasiment 100% de l'exposition médiatique depuis mercredi dernier, empêchant les autres candidats d'être audibles. Tous le regrettent : Benoît Hamon, candidat de la gauche, Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France insoumise, ou encore Emmanuel Macron du mouvement En marche, sans parler de Marine Le Pen pour le Front national qui, pour sa part, a d'autres astuces pour se faire entendre, l'actualité des malversations plaidant pour le nettoyage politico-social qu'elle revendique depuis des années. Pour nombre d'observateurs, malgré tout la crise de la droite largement médiatisée du matin au soir pose un réel problème démocratique, en faussant la campagne de toutes les tendances politiques en lice pour la présidentielle, puis pour les législatives du printemps. L'affaire fillon, «un gâchis» Cela risque de continuer avec l'annonce, hier matin, par l'ancien Premier ministre, Alain Juppé, qu'il ne sera pas le «plan B», souhaité par une grande partie des personnalités de la droite, afin de tourner la page Fillon. Affublant les conséquences de l'affaire Fillon du terme de «gâchis», il a définitivement marqué son retrait de la course : «Je ne suis donc pas en mesure aujourd'hui de réaliser le nécessaire rassemblement autour d'un projet fédérateur. Je confirme, une bonne fois pour toutes, que je ne serai pas candidat à la présidence de la République. Il est trop tard.» «Jamais, a-t-il dit, sous la Ve République, une élection ne s'est présentée dans des conditions aussi confuses», estimant que «le pays traverse une crise de confiance mais a aussi une capacité de rebond». Se pensant vieux, il a affirmé que la France a surtout besoin de rajeunissement : «Les Français veulent un profond renouvellement et je n'incarne pas ce renouvellement.» Critiquant paradoxalement celui qui a le vent en poupe jusqu'à présent, le jeune transfuge du hollandisme, Emmanuel Macron, il a dénoncé son «immaturité politique» et «la faiblesse du projet». Face à une gauche «déboussolée par l'échec du quinquennat de François Hollande», il s'est inquiété de la montée du Front national anti-européen. Enfin, il est revenu sur la manifestation de François Fillon dimanche, qui a tenté sans résultat de souder le camp des électeurs de droite, ne réussissant, selon Alain Juppé, qu'à fédérer «le noyau des militants et sympathisants Les Républicains (qui) s'est radicalisé». Dans son «obstination», François Fillon s'est placé «dans une impasse». Un ticket pour sauver la droite ? Cette intervention arrive donc au lendemain du rassemblement de François Fillon au Trocadéro, à Paris, dimanche, où il a laissé entendre qu'il n'abandonnerait pas sa candidature. Malgré les soupçons de détournement de biens publics et de fonds sociaux et sa probable mise en examen en raison des présumés emplois fictifs de son épouse et ses enfants, il a redit, sur la chaîne de télévision France 2, que personne d'autre ne pouvait être candidat à sa place. Pourtant, plus de 250 personnalités de la droite, ainsi que des majorités d'élus de droite au sein des départements et des régions se sont désolidarisés de lui (lire notre édition de dimanche). Hier encore, les commentaires négatifs allaient bon train : pour le député Philippe Gosselin, «la droite française est durablement fracturée». Pour l'ancien Premier ministre chiraquien, Dominique de Villepin, François Fillon ne peut pas rester candidat «pour des raisons de principe». Quant au député Pierre Lelouch, il dira : «Si Fillon reste, notre parti implosera.» C'est dire l'ambiance pour le parti de la droite qui jusqu'à présent avec la gauche socialiste est l'un des piliers de la démocratie française. Hier soir, un comité politique du parti Les Républicains pour «évaluer la situation» devait se tenir, alors que Fillon a perdu une bonne part de son équipe et ses soutiens. Aujourd'hui, l'ancien président, Nicolas Sarkozy, veut tenter une réunion de la dernière chance, avec Alain Juppé et François Fillon, pour trouver une solution à laquelle tout le monde souscrirait. Les analystes suggèrent du bout des lèvres un arrangement qui pourrait prendre la forme du ticket, comme au Etats-Unis, avec Fillon et François Baroin, celui que Sarkozy avait désigné comme son Premier ministre en cas de candidature à la présidentielle. Nicolas Sarkozy, dont c'était hier le premier communiqué depuis sa défaite à la primaire de novembre, a indiqué : «Notre désunion fera le lit de l'extrême droite.» «Cette voie de sortie» envisagée en une sorte de combine politique ne tient cependant pas compte de la dévalorisation pour 80% de la population de la parole mensongère de François Fillon. Ainsi, selon le député LR Franck Riester, «il y a eu une rupture de la parole politique, on va droit dans le mur.» Georges Fenech, le député du Rhône, lui, avait été précurseur il y a un mois pour demander le départ de Fillon, il a annoncé pencher «tout naturellement vers celui qui représente la nouvelle génération, c'est François Baroin.» Pour les centristes, par contre, après avoir quitté l'équipe de François Fillon, ils souhaitent à présent avoir leur propre candidat, certains évoquant le nom de Jean-Louis Borloo. La cacophonie n'est pas près de s'arrêter.